Visite de Machéronte, la forteresse hérodienne de Jordanie

Le Dr. Győző Vörös, archéologue hongrois (Hungarian Academy of Arts) et professeur au Studium Franciscanum de Jérusalem, avait invité ce 21 août l’équipe archéologique de l’École biblique à une visite guidée du site de Machéronte, la « Masada jordanienne ».

Depuis 2008, Győző Vörös est le nouveau fouilleur de la forteresse hérodienne de Machéronte, située dans les hauteurs de la rive est de la mer Morte, à une trentaine de kilomètres au sud de Madaba. Les Antiquités jordaniennes ont remis entre ses mains le site archéologique à la suite des travaux de l’archéologue franciscain Michele Piccirillo. Résident permanent à Amman, il profitait en cette fin de mois d’août de la présence des frères de l’École biblique dans la capitale jordanienne1 pour organiser une visite du site. Étaient invités le fr. Jean-Michel de Tarragon op., le fr. Jean-Baptiste Humbert op., le fr. Dominique-Marie Cabaret op., ainsi que les archéologues Manon Saenko et Louis de Lisle. Claire Guigou, volontaire du Patriarcat latin, participait aussi à la visite.

La Machéronte d’Hérode le Grand

Solidement installée sur un petit plateau dégagé de la rive est de la mer Morte, la forteresse de Machéronte fut fondée par le roi hasmonéen Alexandre Jannée vers l’an 90 av. J.-C. Détruite sous Pompée, elle fut reconstruite par Hérode le Grand soixante ans plus tard, et devint alors un palais-forteresse à l’emplacement stratégique, bien placé pour gouverner les territoires de l’est du Jourdain tout en gardant un œil sur la Judée. Depuis les remparts de Machéronte, il est possible de communiquer avec l’essentiel des places fortes hérodiennes : Jérusalem, l’Hérodion (près de Bethléem), l’Hyrcania (désert de Judée), Masada et l’Alexandrion (nord de Jéricho).

Au pied de la colline du même lieu, on trouve aussi les sources chaudes de Callirhoé dont on sait qu’Hérode était un fervent amateur. L’histoire de son décès veut qu’on l’y ait porté en toute urgence pour le soigner de sa grave maladie, avant de le mener à Jéricho.

La tête de Jean le Baptiste servie sur un plateau

C’est Hérode Antipas, l’un des nombreux fils d’Hérode, qui hérite de la Pérée et ainsi de Machéronte au décès de son père. Il ne fut pas nommé roi comme son père mais simplement tétrarque, charge qu’il exerça de l’an 4 av. J.-C. à 39 ap. J.-C. C’est dans l’enceinte de cette forteresse perchée que la tradition chrétienne, à la suite de Flavius Josèphe, situe l’emprisonnement et l’exécution de s. Jean-Baptiste en 28 ou 29 ap. J.-C. Les évangiles de Marc et Matthieu racontent que Salomé2, fille d’Hérodiade, aurait charmé le « roi » par ses talents de danseuse au cours d’une fête d’anniversaire et que ce dernier lui aurait alors fait le serment de lui offrir n’importe lequel de ses désirs. « Quoi que ce soit que tu me demandes, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume ». (Mc 6, 23). Salomé aurait alors consulté sa mère, qui, exaspérée par les reproches de Jean-Baptiste qui condamnait son deuxième mariage avec Hérode Antipas, aurait dit à sa fille de réclamer « sur un plateau, la tête de Jean le Baptiste ». Prisonnier de son serment, Antipas fit décapiter celui dont il tenait pourtant à préserver la vie, le considérant comme « juste et saint » (Mc 6, 20).

Comme s. Jean-Baptiste, de nombreux Juifs condamnaient le deuxième mariage d’Hérode Antipas avec Hérodiade, sa propre nièce et « demie-belle-sœur ». Ils n’étaient pas les seuls : pour l’amour d’Hérodiade, Antipas avait en effet renvoyé sa première épouse, fille du roi nabatéen de Pétra, Arétas IV, qui en fut outragé. Ce premier mariage participait pourtant à la légitimité de la présence d’Antipas à Machéronte. En 36 ap. J.-C., sans doute par vengeance, les soldats nabatéens détruisent donc la forteresse.

Les Zélotes et l’empire

Agrippa Ier, frère d’Hérodiade et neveu d’Antipas, règnera ensuite sur la région entre 41 et 44 ap. J.-C., puis les procurateurs de l’Empire romain reprendront pour un temps sa gestion. Quelques années plus tard, l’histoire de Machéronte se confond presque avec celle de Masada : en 66-67 ap. J.-C., au cours de la première révolte juive, un groupe de juifs zélotes se réfugient au cœur de la place forte. En 71 ou 72 ap. J.-C., la même année qu’à Masada, le général Lucius Flavius Silva, chargé par Vespasien et Titus (rentrés à Rome) de « nettoyer » les dernières poches de résistance, assiège Machéronte. Comme à Masada, il construit une rampe pour faire gravir la pente aux puissantes armes de siège romaines. La forteresse est définitivement détruite à cette époque.

Pour l’anecdote, l’une des plus anciennes photos connues de Machéronte date de Noël 1908. Elle fut prise lors de la célèbre Croisière sur la mer morte organisée par l’École biblique à laquelle participèrent les fr. Abel op., Jaussen op. et Savignac op.. (Voir photos noir & blanc).

Une visite et des questions

Le Dr. Vörös tenait à montrer au fr. Jean-Baptiste Humbert le résultat de la campagne de fouilles réalisées en septembre et octobre 2016. De 8h à 11h, le site fut parcouru à la recherche des vestiges (thermes, cours, péristyle, aqueduc, etc.) pour finir sur les dernières révélations du lieu : un grand mikveh3 et un bassin, situés au nord de la citadelle hérodienne. C’était l’occasion pour le Dr. Győző Vörös et le fr. Humbert de mettre en commun leur connaissance respective de Machéronte et de Khirbet Qumrân, deux lieux de résidence de juifs pieux, l’un en face de l’autre, de chaque côté de la mer Morte. L’archéologue hongrois était aussi particulièrement heureux de montrer au fr. Humbert les nombreuses poteries retrouvées scellées par le comblement du mikveh, suite à la destruction de 36 av. J.-C. et la défaite des zélotes en 72 ap. J.-C.

Les archéologues de l’École travaillent sur le matériel trouvé, au nord du pays, sur le site de Khirbet Samra, une fouille de l’École maintenant achevée dont ils préparent la publication du deuxième volume.
Le nom n’est pas cité par les évangiles, seulement par la tradition.
Bain rituel juif de purification.