Manon Saenko : « La restauration est un miracle permanent »

Manon Saenko est restauratrice du patrimoine et s’est spécialisée en céramique. Depuis huit ans, elle revient chaque été aider les frères de l’École biblique pour l’étude du matériel révélé par les mystérieuses ruines romaines et byzantines de Samra (avec une légère pause en 2012 due à une mission parallèle de restauration de céramiques provenant de Qumrân). 

Pendant l’année, Manon Saenko, tient son propre atelier de restauration à Vauréal, dans le Val d’Oise. Elle répond aux commandes de particuliers, restaure les fonds de collections privées. Son métier : réparer des objets de terre cuite, faïence, grès, porcelaine et même verre ou cristal selon les désirs de ses clients. En parallèle, Manon participe de longue date à des travaux d’archéologie pour des laboratoires, des institutions ou des musées, et ce depuis sa formation à l’École de Condé, terminée en 2012. « C’est le prof. Alain Desreumaux, le directeur de la fouille de Samra, qui m’a mis en lien avec le fr. Jean-Baptiste Humbert pour que je vienne aider au tri et à l’étude des tessons en 2010, et depuis je reviens chaque année ! » raconte la restauratrice trentenaire.

Assurer la pérennité des objets

« La restauration est un miracle permanent » sourit Manon Saenko, la tête à peine sortie des restes d’amphores romaines de Samra. « On part d’un objet brisé, que l’on nettoie et que l’on réassemble pour obtenir un résultat visible ou invisible, on lui redonne vie ! ». C’est effectivement la raison pour laquelle, chaque été depuis huit ans, cette dernière en vient à traverser la méditerranée afin d’étudier les milliers de tessons retrouvés au cœur des églises, maisons, forteresses et tours de garde des ruines de Khirbet es-Samra, au nord de la Jordanie, à une quarantaine de kilomètres de la Syrie. Ici, depuis 2010, Manon nettoie, réassemble, recrée si nécessaire des parties manquantes (dites « comblements ») sur des poteries datées du IIème au VIIIème siècle et sorties du sable. « On ne recherche pas spécialement l’esthétique mais plutôt l’histoire de l’objet, de son utilisation. Parfois la restauration permet aussi de mieux conserver des fragments, grâce au collage et aux comblements, cela permet d’assurer la pérennité des objets » explique la restauratrice.

Chaque année, ils sont quatre ou cinq fidèles à se retrouver un ou deux mois à Ammân pour continuer le travail. « Le fait de garder la même équipe permet une meilleure continuité, on sait travailler ensemble » ajoute Manon. En venant en Jordanie, la bénévole vient aussi savourer l’archéologie pure, « le fait de devoir composer avec la chaleur et les conditions locales, d’en apprendre à chaque fois d’avantage sur les techniques artisanales, les échanges commerciaux de l’époque… C’est très intéressant ». « À partir de la céramique on étudie les habitudes alimentaires, le statut des habitants, continue l’apprentie archéologue. On peut même reconnaître les imitations de l’époque romaine ! ».

À Samra, l’équipe trie effectivement des restes de marmites, de bassines, de jarres datant de périodes variées (romaine, byzantine, omeyyade…) et ce depuis plus de 30 étés. D’autres dossiers, tous aussi essentiels, empêchent de consacrer plus d’un mois ou deux par an à ces fouilles de longue date mais le fr. Jean-Baptiste Humbert, en charge de l’archéologie de l’École, assure que le dernier été n’est pas loin… Courage ! Et quand les tessons seront tous répertoriés, c’est à la rédaction qu’il faudra s’atteler.