Peux-tu te présenter ?
Je suis le père Andreas BERGMANN, s.j., originaire d’Allemagne. Depuis quinze ans, j’ai vécu et travaillé comme vicaire dans une paroisse jésuite d’environ 4000 personnes à Uppsala, une petite ville proche de Stockholm en Suède. Une de mes missions était d’enseigner dans nos facultés, notamment à l’Institut Newman. En terminant mon ministère paroissial, j’ai bénéficié d’une année sabbatique et j’ai envisagé plusieurs options : rester en Suède, retourner en Allemagne, ou explorer d’autres possibilités. Finalement, j’ai rencontré les dominicains à Lund, en Suède, qui m’ont simplement suggéré : « Pourquoi ne pas passer votre année sabbatique à Jérusalem ? » Ayant déjà séjourné à Jérusalem en 1997 et 1998 comme volontaire dans une maison pour enfants handicapés à Beit Jala — une expérience très positive que je garde en mémoire — j’ai pensé qu’il serait intéressant d’y revenir. Toujours passionné d’archéologie et de théologie, j’ai estimé que l’ÉBAF serait un excellent endroit pour étudier.
Comment vis-tu cette année d’étude sabbatique ?
Étant ici en sabbatique, je ne ressens ni besoin ni pression d’obtenir des crédits universitaires. J’ai donc choisi des sujets qui m’intéressaient vraiment et suivi divers cours et séminaires que j’ai beaucoup appréciés. Par exemple, un séminaire avec le frère Anthony sur l’Évangile de Luc, un cours donné par le père Boris, un autre jésuite, sur l’Évangile de Matthieu, ainsi que les excursions topographiques et voyages d’étude organisés par le frère Yunus à travers la Terre Sainte. Par ailleurs, j’ai décidé d’écrire un essai sur Paul intitulé « Paul entre hellénisme et judaïsme », en me concentrant sur ses premières lettres. Cela m’occupe pas mal. Nous avons également suivi un séminaire sur l’Évangile de Luc en grec, ainsi qu’un autre sur les Actes des Apôtres. C’est dans ce cadre que j’ai découvert un livre qui m’a intrigué, écrit par Pamela EISENBAUM, Paul Was Not a Christian, qui invite à comprendre Paul avant tout comme un Juif. Cela m’a poussé à approfondir cette question : Paul était-il plutôt juif ou hellénistique ?
Qu’est-ce qui t’a intéressé à l’ÉBAF ?
L’ÉBAF présente de nombreux atouts. L’un d’eux est le groupe d’étudiants ici, très talentueux, maîtrisant plusieurs langues et chacun spécialisé dans un domaine précis. C’est très inspirant de voir leur travail collaboratif et leur approche rigoureuse de leurs sujets. Je suis aussi très reconnaissant envers les professeurs, d’une compétence remarquable. Ensuite, je dirais que l’emplacement joue un rôle important, notamment pour l’archéologie, car l’École sert de base pour les recherches sur le terrain. Enfin, je mentionnerais le cadre même de l’ÉBAF, particulièrement la bibliothèque, qui favorise un travail d’étude approfondi. L’École est fascinante : je ne connais aucun autre lieu offrant de telles ressources. Notamment à Jérusalem, les possibilités d’approfondir la théologie juive sont nombreuses, ce qui était pour moi un domaine encore peu familier, mais dont j’ai progressivement saisi l’importance.
Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.
Comment articules-tu raison et foi dans ce contexte ?
Étant jésuite, je dirais que l’approche ici — la manière d’interpréter les Écritures, de travailler les textes bibliques — illustre bien comment on peut concilier raison et foi. On n’est pas seulement capable d’expliquer le contexte historique et culturel des livres, mais aussi d’imaginer et de méditer tout ce qui touche aux textes bibliques. C’est un outil essentiel pour garder le cœur et l’esprit unis, même si cela reste un défi permanent. Cette méthode, souvent plus intellectuelle, est constamment entraînée pour percevoir la parole avec notre raison. C’est un aspect que j’ai particulièrement apprécié dans les cours. Beaucoup d’entre eux abordent aussi l’art, ce qui permet d’approcher les textes non seulement d’un point de vue intellectuel, mais aussi sensible et esthétique.
Que t’apprend ton séjour à Jérusalem sur la Terre sainte ?
Terre Sainte… Pour l’instant, elle ne paraît pas très sainte. Quand j’y suis venu la première fois, en 1997-1998, c’était entre la première et la seconde intifada, avec des attentats-suicides. Il y avait encore une certaine forme d’espoir qu’un développement pacifique soit possible. Ainsi, pendant mes premières années ici, je pensais bien connaître la situation, mais j’ai vite compris que c’était une grave erreur. Je ne m’attendais pas à ce que la situation devienne aussi désespérée, et elle n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Le mot « sainte » est donc difficile à appliquer au contexte actuel. Il existe différentes perceptions de la sainteté. La théologie orthodoxe juive, par exemple, n’est pas toujours facile à appréhender. Comme le patriarche Card. Pierbattista PIZZABALLA l’a dit : « Nous avons de l’espoir, mais pas de solution », une distinction bien formulée qui résume parfaitement la situation.
Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.
Quelles sont tes principales expériences cette année ?
L’expérience de passer du temps à l’étranger, c’est surtout au retour chez soi qu’on réalise ce qui a changé dans sa vie. Pour l’instant, je dirais que les nombreuses expériences vécues à l’ÉBAF ont été incroyables, et je suis encore en train de déterminer lesquelles ont été les plus marquantes.
Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite venir à l’ÉBAF ?
Venez, simplement venez ! Ne ratez pas cette opportunité. Ne vous inquiétez pas de la situation. L’ÉBAF est un lieu sûr où vous pourrez rassurer votre famille et vos amis sur votre sécurité. C’est difficile à faire comprendre, surtout à Jérusalem, mais on y vit en toute sécurité. L’image que les médias donnent ne reflète pas fidèlement la réalité ici.
Un message pour nos donateurs ?
J’espère que vous apprécierez ce que vous soutenez ici. Votre aide ne se mesure pas en chiffres. Quiconque vient ici et reste un temps sera non seulement transformé personnellement, mais changera surtout sa perception de la Terre Sainte.
Original en anglais.