Je suis le frère Jorge, né à Ciudad de Mexico et, à l’âge de 19 ans, je suis entré dans l’Ordre des prêcheurs. J’ai suivi la formation normale : le noviciat, quatre ans de philosophie, six ans de théologie, avec une spécialisation biblique à Mexico. Dès l’enfance, j’avais eu un penchant pour l’histoire, la littérature et, pourquoi pas, la bible même. Je garde toujours comme relique le premier manuel que j’ai utilisé lors de mon premier cercle biblique à la paroisse, alors que j’étais encore un adolescent. Une fois prêtre dominicain, j’ai travaillé pendant quelques années dans deux paroisses, l’une à la campagne et l’autre dans la grande ville de Mexico, puis j’ai eu l’occasion de faire des études complémentaires dans le domaine biblique et le meilleur endroit pour les faire était ici, dans notre couvent de Jérusalem. Et tiens ! J’ai été invité à rester ici − c’était l’époque du frère Guy TARDIVY, o.p. et du frère Marcel SIGRIST, o.p. – et j’y suis encore.
D’abord, le religieux que je suis a pour cadre de vie la vie du couvent, et je voudrais mentionner d’abord mes tâches communautaires, dont je suis fier, à commencer par celle qui m’a été confiée récemment : chroniqueur conventuel, sans oublier le service de la sacristie, c’est-à-dire le privilège de préparer les objets et les espaces liturgiques, et le fait même d’être en contact avec la liturgie et avec la communauté qui prie et célèbre, en permanence, 7 jours sur 7; je m’occupe aussi du grand orgue – qu’il soit en bon état et qu’il sonne les dimanches et certaines fêtes – en tant que sacristain je m’occupe aussi de l’accueil des groupes de pèlerins ou des fidèles qui demandent un service dans notre basilique.
Au niveau plus académique, j’assure le cours de langue ougaritique, en deux semestres, parfois appelée “langue cananéenne”, qui s’avère un bel outil pour l’exégèse de l’Ancien Testament. Il s’agit d’un cours fort dans le sens que chaque année, il y a des étudiants internes et externes à le suivre. On ne l’arrête pas. Deuxièmement, je voudrais mentionner que je fais partie de deux équipes : l’équipe de la Revue Biblique et l’équipe de la Bible en ses traditions. Et dans les deux, des défis inattendus se présentent et sont vraiment une occasion d’apprendre et d’être en formation permanente. Actuellement nous travaillons à la révision orthographique des noms propres de la Bible pour la traduction BibleArt, car le passage des milliers de noms de personnes et de lieux du latin du IVe siècle à la langue et à la culture françaises modernes n’est pas toujours évident. Comment Moshe devient Moïse, par exemple. Et ce travail peut se faire avec des critères différents, qui donneront des résultats très divers que l’on retrouve dans les différentes traductions de la Bible. Toujours pour le BEST, je viens d’avoir la joie de voir mon nom dans la nouvelle publication du livre de Jonas, en tant que collaborateur. Ce qui est vrai, bien sûr!
Je dirais qu’en général, mes inclinations sont plutôt philologiques, c’est-à-dire un goût pour le mot, la phrase en soi, et je pense que ce goût de la lettre est consacré et transfiguré lorsqu’il s’applique à l’Écriture Sainte. Passer “des mots, des paroles” à “la Parole, le Verbe”. Affronter le texte biblique comme il est, mais pas seulement pour le lire ou le reproduire, mais aussi pour le comprendre au mieux de nos modestes possibilités, et pouvoir l’expliquer.
Il s’agit de deux questions. Les anciens auteurs spirituels disaient qu’il fallait préserver la clôture matérielle, c’est-à-dire le recueillement, et ne pas se laisser distraire et absorber par notre environnement. Ici, à Saint-Étienne, nous sommes protégés des événements par une triple enceinte physique: pierre (le mur), verdure (le jardin), pierre (le bâtiment). C’est un avantage si nous savons éviter les distractions, mais c’est un danger si cela nous fait oublier que nous sommes en Terre Sainte. Le défi est de nous laisser sanctifier non seulement par la Parole ou la liturgie quotidienne, mais aussi par cette Terre et, j’insiste, par ce temps si inquiétant que nous vivons. Et de contribuer par notre vie à la sainteté de cette Terre.
J’ai mes deux lieux de choix : pour mes études et mon apostolat, Santa Anna, parce que toutes les périodes archéologiques et plusieurs mystères de la foi s’y trouvent -y compris l’Évangile de Jean-, et parce que j’aime montrer ce lieu aux pèlerins. Deuxièmement, mon lieu de pèlerinage spirituel préféré est le tombeau de la Sainte Vierge Marie au Cédron ; je trouve qu’il m’est très facile d’y prier. Il y a moins de monde, dont j’aime contempler la dévotion, c’est plus calme à certaines heures de la journée, et j’aime imaginer que la première version du Saint-Sépulcre, au IVe siècle était comme celle-là. Je vous remercie de votre attention.