Qui es-tu, frère Leo ?
Je suis le frère Leo CHECKAI, dominicain de la province de Saint Joseph (États-Unis). Actuellement doctorant à l’École biblique et archéologique française, j’ai enseigné pendant trois ans au niveau universitaire aux États-Unis, avant d’être envoyé par mes supérieurs pour suivre le parcours pontifical en Sciences bibliques. C’est un programme exigeant et de longue durée, conçu pour former en profondeur.
Avant cela, mes supérieurs ont voulu s’assurer que l’enseignement me convenait réellement. Ils m’ont donc envoyé à Providence College, où j’ai enseigné dans le département de théologie. J’y ai donné des cours d’introduction au Nouveau Testament, aux fondements de la théologie, à la pensée de saint Thomas d’Aquin, ainsi qu’un programme interdisciplinaire intitulé Development of Western Civilisation, qui combine théologie, philosophie, histoire et littérature.
Pourquoi avoir choisi l’ÉBAF ?
J’ai été attiré par l’ÉBAF pour la combinaison rare d’une recherche scientifique de haut niveau et d’un véritable esprit de piété. J’y prépare une thèse sur la Vetus Latina, la version latine ancienne (pré-vulgate) de l’Épître aux Hébreux. Là où l’Ordre m’enverra ensuite — aux États-Unis ou ailleurs — je transmettrai ce que j’y ai appris.
Qu’as-tu découvert en venant à l’ÉBAF ?
Ce qui est nouveau pour moi ici, ce sont les visites sur les sites bibliques de Terre sainte. Désormais, lorsque je lis la Bible, je me dis : « Ce lieu, je l’ai vu ! » — et cela transforme ma manière de lire les Écritures. Les remarques d’autres étudiants m’ont aussi permis de prendre conscience de ce qui me semble parfois naturel dans les écoles dominicaines. Ils sont impressionnés de voir les frères s’adonner à une critique scientifique rigoureuse des Écritures, puis se retrouver aussitôt à la chapelle pour prier la liturgie de ces mêmes textes. C’est une expérience qu’ils n’ont pas connue ailleurs. Pour moi, cela va de soi : c’est l’esprit des écoles dominicaines — tel que je l’ai connu aux États-Unis, à la Faculté pontificale de l’Immaculée Conception à Washington, et tel que je l’ai découvert ici, dans l’héritage du Père Lagrange.
Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Messe présidée par Fr. Leo dans le désert du Néguev.
Quels sont les forces de l’ÉBAF selon toi ?
Ce qui me frappe à l’ÉBAF, c’est l’engagement des frères dans la vie intellectuelle et leur volonté de cultiver une recherche de très haut niveau. L’école offre une certaine souplesse que l’on ne retrouve pas toujours dans les grandes institutions. À mon arrivée, j’avais un sujet de doctorat en tête, mais au fil du programme, j’ai découvert un thème bien plus adapté à mes intérêts. Dans une structure plus rigide, avec un parcours strictement balisé, je n’aurais peut-être pas eu cette liberté. Ici, grâce au dialogue avec les professeurs, j’ai pu réorienter mon travail vers une dissertation qui me convient parfaitement. J’ai une passion particulière pour les traditions latine et grecque des Écritures, ainsi que pour l’hébreu. Mon travail sur la Vetus Latina — l’ancienne traduction latine — consiste à comprendre comment ces textes latins interagissent avec les Écritures grecques. Il est impossible d’étudier sérieusement le vieux latin sans le confronter au grec. Tout ce que je fais consiste à explorer cette relation entre les deux traditions.
Comment articules-tu foi et raison ?
Comme beaucoup de dominicains, j’ai une grande confiance dans le fait que Dieu est l’auteur de toute vérité — qu’elle soit surnaturelle ou naturelle. Même si, à première vue, certaines vérités surnaturelles semblent difficilement conciliables avec les découvertes naturelles, je crois profondément qu’elles s’accordent au final. C’est cette certitude qui me donne une grande liberté : je n’ai aucune crainte à suivre les méthodes rigoureuses des sciences naturelles. Je suis convaincu qu’à terme, toutes les vérités, spirituelles et scientifiques, s’intègrent dans un même dessein harmonieux.
Que représente la Terre Sainte pour toi ?
Dans la tradition et la pensée de l’Église, il existe une notion de sacramentel qui dépasse les sept sacrements eux-mêmes. Il s’agit de réalités qui, par leur lien avec Dieu ou les choses saintes, deviennent des canaux de grâce. Par le simple fait que le Seigneur s’est incarné ici, qu’Il a vécu dans cette terre et qu’Il y a agi dans l’histoire de son peuple — dans l’arche vivante de son alliance — cette terre a été sanctifiée. C’est pourquoi nous l’appelons la Terre Sainte. Certes, dès les Pères de l’Église, certains ont raillé cette appellation en disant : « Elle sera sainte quand les gens arrêteront de s’y entretuer. » Pourtant, aucun péché, aucune violence ne peut empêcher la grâce de Dieu d’agir — en nous, sur nous, à travers nous. Même si les événements bibliques sont éloignés dans le temps, il demeure quelque chose de profondément sacré dans le fait de se trouver en ces lieux où ils se sont déroulés.
Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie au musée d’Israël, à Jérusalem.
Comment ton séjour à Jérusalem influence-t-il ta vie chrétienne ?
Dès mon arrivée, j’ai compris que Jérusalem est un lieu où les gens ont des conceptions très diverses de la manière dont Dieu doit être adoré. Même si les tensions peuvent parfois monter, ce que je remarque le plus souvent, c’est un profond respect entre ceux qui, même avec des pratiques différentes, cherchent sincèrement à honorer Dieu. Cela m’inspire énormément. Être témoin de cette ferveur me pousse à approfondir ma propre foi et à adorer Dieu avec encore plus de ferveur.
Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite étudier à l’ÉBAF ?
C’est une opportunité exceptionnelle. Mais il faut bien se préparer ! Assurez-vous de maîtriser vos langues bibliques avant d’arriver, et commencez à apprendre le français dès que possible. Attendez-vous à apprendre énormément — non seulement en cours, mais aussi en dehors des salles de classe.
Que dirais-tu aux donateurs de l’ÉBAF ?
Un immense merci. Sans vous, nous ne pourrions pas accomplir notre mission. C’est cela, être un ordre mendiant : notre travail, c’est l’étude, et l’étude ne génère pas de revenus. Si vous croyez en l’importance de notre recherche et de notre prédication, continuez à nous soutenir. Nous prions pour vous.
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