Le P. Patrick Monnier termine sa licence en Théologie biblique à la Grégorienne (Rome) par une année à l’École biblique. Du 15 au 19 mai, il participait avec les étudiants de l’École à un voyage d’étude à travers la Jordanie. Il nous en raconte une étape sur les traces de Moïse.
D’Aqaba à Gadara, de Pétra à Jérash, notre itinéraire parcourt les civilisations et s’élève jusqu’en sa cime topographique : le Mont Nebo avec le site de Siyagha (à plus de 800m au-dessus du niveau de la mer, soit 1200m au-dessus de la vallée du Jourdain). Comme Moïse nous avons arpenté le rude désert. Comme lui gravi la montagne pour contempler la vue d’un pays promis. Mais contrairement à lui, cette halte ne sera pas notre dernière. «Monte, vois et meurs» (Dt 32,49-50). Et Moïse «monta, vit… et mourut» (Dt 34,1.5). Non. Nous sommes tels Égérie (ou Éthérie) dans ses Peregrinatio Aetheriae ou Pierre l’Ibère, des pèlerins des IVème et Vème siècles. Nous sommes, si ce n’est archéologues, du moins, après cette année de formation à l’École biblique et archéologique française, devenus plus familiers de cette science. Et nous sommes à la recherche de la tombe du plus grand des prophètes, car « jusqu’à ce jour nul n’a connu son tombeau » (Dt 34,6). Ne l’auriez-vous pas découvert ?
“Jusqu’à ce jour nul n’a connu son tombeau” (Dt 34,6)
Il est vrai que ce sanctuaire magnifiquement restauré, à peine inauguré (octobre 2016) et pédagogiquement pensé pour touristes et pèlerins, nous offrait un terrain de jeu, enfin… d’exploration des plus recommandables. Le site remarquable, confié à une petite fraternité franciscaine de la Custodie, nous accueille et nous nous engouffrons tête baissée dans les larges bras de la Basilique. La nef centrale, bordée de colonnes aux chapiteaux byzantins, nous entraîne jusqu’à la splendide abside triconque (ou cella trichora, en forme de trèfle). Il y a bien là quelques tombes, mais pas celle du Prophète Moïse. Nous revenons par les bas-côtés. À gauche, du côté Nord, se détache un magnifique diakonikon richement orné de mosaïques de scènes pastorales, de chasse et des venationes (spectacle de jeux dans l’amphithéâtre de Rome), et au baptistère cruciforme. Le côté Sud, lui, présente une seconde chapelle baptismale postérieure, ainsi qu’une chapelle dédiée à la Mère de Dieu (Theotokos). Les murs des bas-côtés arborent d’énormes panneaux de mosaïque de stades postérieurs à celle du sol. L’ensemble est lumineux, époustouflant de détails, riche de variétés. Une telle beauté nous ferait presque oublier le but de notre ascension : la quête de la tombe du Prophète.
Alors, nous retournant et jetant un dernier regard depuis la nef centrale, nous apercevons en son cœur une tombe vide du Vème siècle retrouvée lors de la dernière campagne de fouille (2012-14). On pense au cénotaphe du Prophète, symbole de la mémoire de l’épisode qui clôt le Pentateuque (ou Torah), celui de la mort de Moïse (Dt 34). Et nous nous arrêtons quelques instants sur la lecture de ces versets. Alors, comme Moïse, nous nous approchons de la vue pour contempler la terre qui s’ouvre devant nous : la mer morte, Jéricho et la vallée du Jourdain. Et puis nous repartons via le site d’El-Mukhayyat, site fouillé par les pères dominicains Jaussen et Savignac au début du siècle dernier, et la petite église byzantine dédiée aux saints Lot et Procopius à la mosaïque suggestive. Là s’arrête notre quête. Nous devons poursuivre notre route vers Madaba à 7km de là et d’autres sites encore. Mais nous nous sommes promis un jour de revenir pour élucider le mystère.