Théo et Manuel Moliner étaient de passage à l’École biblique du 20 mai au 5 juin. Cet étudiant en Histoire et son père, archéologue de la ville de Marseille, ont entrepris l’année dernière l’étude des métaux de Khirbet Qmrân et, surtout, leur catalogage.
C’est d’abord une histoire de famille. Manuel Moliner, l’un des conservateurs en chef du patrimoine de Marseille, est le mari de Laurence Naggiar, ancienne étudiante de l’École et ancienne boursière de l’A.I.B.L.. Elle est aujourd’hui guide au Proche-Orient. Théo, leur fils, termine un Master 2 d’Histoire des techniques à l’université Aix-Marseille. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour que, l’année dernière, l’une fasse rencontrer aux deux autres le fr. Jean-Baptiste Humbert op., chargé de notre département d’archéologie et désireux de publier certains dossiers de fouilles…
L’occasion est aussi belle pour Théo, qui cherche alors un sujet de mémoire de M2, que pour le département d’archéologie de l’École. Pour rappel, l’étude des restes archéologiques de Qumrân par le père Roland de Vaux, a eu lieu autour des années 1950 et est toujours en cours de publication. Alain Chambon, archéologue de l’École, avait été un temps en charge du dossier des métaux mais avait dû l’abandonner en 2010 pour des raisons personnelles et, depuis 7 ans, le dossier rouillait. Cette rouille, c’est justement le sujet d’étude choisi par Théo Moliner : comment traiter une documentation « abandonnée » ? Comment peut-elle évoluer sur 60 ans ? Comment stocker un matériel de plus de 2000 ans ?
En parallèle de l’écriture de ce mémoire universitaire pour Théo, dirigé par son père, les deux chercheurs se sont surtout lancés pour l’École dans la réalisation d’un catalogue raisonné des objets métalliques de Khirbet Qumrân et Aïn Feshkha, dessinés par Alain Chambon. Un gros travail restait à accomplir pour retrouver le matériel et reconnecter les dessins des objets métalliques aux listings établis. Ce sont plus de 500 objets qui ont été retrouvés à Qumrân et dans le site satellite d’Aïn Feshkha près de la mer Morte, et qu’il faut faire revenir à la lumière. Ces pièces sont aujourd’hui entreposées à 99% au Rockefeller Museum, à Jérusalem-Est.
Du scalpel à la pointe de flèche… Une grande quantité d’objets
Parmi ces objets, une large moitié de clous, restes de meubles et de portes de l’établissement essénien, quelques fibules (équivalent d’épingles à nourrice pour attacher les tuniques à l’épaule), des boucles de ceinturons, des outils agricoles (serpes, houes, paires de forces, etc.) mais aussi des outils dits « de toilette » : épingles, sclapels, scalptoriums, bagues, boucles d’oreille…
Ces maisons de la province romaine de Judée ont aussi révélé des restes de matériel militaire : pointes de flèches, pointes de lances romaines, plaques de ceinturons romains, ou encore une grosse quantité d’anneaux dont l’utilité reste incertaine. Les collections de monnaies, elles, n’intègrent pas le même catalogage et sont laissées à des numismates.
Historien de formation, Théo a fait rapidement appel à son père pour l’aider. Lui s’est spécialisé dans l’étude de l’archivage mais son père, archéologue depuis 35 ans, est spécialiste de l’Antiquité. Un temps spécialisé sur l’architecture romaine de Marseille, il travaille aujourd’hui sur des églises paléochrétiennes de Méditerranée occidentale et byzantines d’Orient. Les deux s’épaulent mutuellement sur le dossier sans qu’il soit toujours évident de définir lequel est l’assistant de l’autre. Les deux formations semblent parfaitement se compléter.
Tendre au mieux vers la vérité historique du lieu
Depuis le début de leur travail sur les métaux de Qumrân, Théo et Manuel Moliner n’ont pas fait de découvertes exceptionnelles sur les esséniens, seulement tenté de continuer à tendre au mieux vers la vérité historique du lieu. La date butoir de l’abandon du lieu pendant le 2ème révolte juive (vers 135 ap. J.-C.) ne change pas, on trouve du matériel qui pourrait être antérieur mais rien de très déroutant pour les connaisseurs. Les outils agricoles viennent, eux, valider la théorie d’une villa de bord de mer entourée de plantations.
Si la majorité de leur travail se fait en France, à partir des données informatiques et de photographies, les deux chercheurs avaient besoin début juin de passer par Jérusalem pour revoir au musée Rockefeller certains objets et faire part à l’École de l’avancée de leur travail. Il faudra encore quelques mois pour que ce catalogue raisonné puisse être assez complet pour être présenté à la publication. Vivement !