QUARANTAINE DE CAREME

L’École biblique n’échappe pas aux restrictions imposées, désormais dans le monde entier, aux populations. Plusieurs de nos frères professeurs ainsi que le directeur sont bloqués en France, interdits de revenir à Jérusalem : depuis le 9 mars, les cours ainsi que nos conférences sont annulés et ce, pour une première tranche de quinze jours. La bibliothèque est fermée aux chercheurs qui ne sont pas résidents. L’hôtellerie, faute de combattants en provenance de l’étranger, est elle aussi en hibernation. Certains de nos employés, enfermés à Bethléem, ne peuvent pas venir travailler. D’autres viennent avec leur bouteille de gel hydro-alcoolique et une odeur de désinfectant a envahi les couloirs… Règne une ambiance paisible et un peu étonnante. La ville elle-même, vidée de ses visiteurs, est plus calme et on entendrait déjà presque poindre le printemps dans la beauté de notre parc qui a pris des allures de douce retraite. Tout vit donc au ralenti même si les frères et les étudiants continuent patiemment leurs recherches.

Plus spirituellement peut-être, ce ralentissement imposé peut être une occasion bénéfique de prendre du temps, ce temps que nous n’avons jamais ou que nous ne voulons pas prendre. La vie communautaire de l’École est sans doute, malgré les appels à la ‘distance sociale’, plus intense et plus fraternelle. Chacun a plus de temps pour des lectures qu’il avait délaissées, chacun a plus de temps pour relire non seulement un énième article de la Revue biblique mais peut-être même un peu de sa vie. C’est un moment favorable pour renouer des contacts avec des amis parfois un peu négligés. Ce temps de confinement, de mise à l’écart, nous rappelle fondamentalement ce qu’est le temps liturgique du Carême : dégager du temps pour prier, s’occuper de son frère, revenir à l’essentiel, sans superflu. Bien sûr, la maladie fait peur, avec raison, mais s’ouvre un espace qui nous fait changer nos habitudes, qui nous déplace. Être déplacé, envoyé au désert pour un peu de temps, est sans doute la meilleure manière pour un croyant, un chercheur de Bible ou de Dieu, d’avancer dans la vie spirituelle ou intellectuelle. Si nous attendons, comme tout le monde, la reprise de la vie « normale », l’École et sa communauté peuvent profiter de ce temps de quarantaine, c’est-à-dire de Carême.

Frère Olivier Catel, o.p.