LA VILLE MONDE DE VINCENT LEMIRE EN BANDE-DESSINÉE

Grand ami de l’école, Historien, directeur du C.R.F.J., incollable sur Jérusalem, Vincent Lemire nous propose un parcours émouvant dans la ville des trois religions, version BD.

Comment ce projet a-t-il émergé ?

Les éditions Les Arènes m’ont proposé ce projet… il y a plus de six ans ! À cette époque, je venais de terminer la coordination d’une première synthèse de l’histoire de Jérusalem aux éditions Flammarion (Jérusalem. Histoire d’une ville-monde, 2016), je me sentais donc à peu près légitime pour me lancer dans cette folle aventure. Le succès de cette première synthèse, puis sa traduction en plusieurs langues (en italien chez Einaudi, en anglais chez University of California Press), m’ont finalement décidé : le moment était venu.

Quels ont été les principaux défis à relever ?

D’abord, il fallait se donner du temps (trois ans de travail de documentation puis trois ans de production) et de l’espace (plus de 250 pages). Ensuite je ne voulais pas que cette BD soit une simple chronique des guerres et des conquêtes. De fait, le recours à l’image permet de valoriser les paysages et les réagencements permanents des lieux saints, pour que le lecteur ressente la ville dans sa matérialité. Enfin, je voulais éviter une simple « narration illustrée » et donc donner la parole aux habitants eux-mêmes.

Ainsi, les dialogues sont entièrement extraits de plus de 200 sources publiées ou d’archives inédites. Rien n’est inventé, tout est sourcé, le lecteur accède directement aux documents originaux.

Dans cette BD, qui prend en charge la narration ?

Ces 4000 ans d’histoire sont racontés par Zeïtoun, un olivier millénaire planté au sommet de la colline qui porte son nom. Narrateur paisible et bienveillant, profondément enraciné dans le territoire qu’il décrit, il porte un récit sensible et incarné, attentif aux cassures du temps mais aussi à la continuité des lieux : le relief, le climat, la sécheresse en été, les tempêtes en hiver, la lumière éblouissante, les ciels changeants …
Les personnages de cette histoire se reposent sous son feuillage ombragé, ce qui offre au lecteur un poste d’observation continu pour s’approprier peu à peu cette histoire millénaire.

Comment avez-vous travaillé avec le dessinateur et avec la coloriste ?

D’abord, le dessinateur Christophe Gaultier est venu sur place pour s’imprégner des lieux et photographier la ville sous toutes les coutures. Ensuite, je lui ai envoyé des pré-storyboards, chapitre par chapitre, accompagnés du texte et de nombreux documents iconographiques. À partir de ce matériau, après 2 ou 3 navettes, on validait un
storyboard final, qui débouchait enfin sur le dessin définitif, en noir et blanc.

Commençait alors le travail de colorisation, qui a exigé beaucoup d’échanges avec Marie-Odile Galopin, sur les costumes, les parures, les végétaux, l’architecture … pour obtenir finalement un résultat que j’espère accessible mais aussi convaincant pour tous les lecteurs, des plus érudits aux grands débutants, de 9 à 99 ans !