ÉTUDIER L’ÉCRITURE EN TEMPS DE GUERRE ?

Dr. Nina Heereman, Beatriz de Isasi, le père Otabela et Dominic Mendonca, o.p., (de gauche à droite) ont vécu le choc de la guerre depuis l’Ébaf.

Pourquoi êtes-vous à l’Ébaf depuis début octobre ?

Nina : Je suis une ancienne élève de l’École, où j’ai soutenu ma thèse en 2017 sur le Cantique des Cantiques. Après avoir enseigné cinq ans au séminaire saint Patrick à San Francisco, je reviens à l’Ébaf en année sabbatique, que je consacre à l’écriture d’un commentaire sur les livres de Ruth et Esther pour la série Catholic Commentary on Sacred Scriptures.

Beatriz : Je voulais pratiquer le latin concrètement après trois ans en lettres classiques à l’ENS. Je participe au programme de recherches de La Bible en Ses Traditions qui s’apprête à proposer une nouvelle traduction de la Bible sous la forme d’une application, Bibleart.com.

Père Otabela : Ce séjour est comme une « retraite intellectuelle » et spirituelle. Je suis ici pour préparer la publication de ma thèse soutenue en 2022 à la KU Leuven sur le livre de l’Exode et écrire quelques articles d’exégèse biblique en profitant de la riche bibliothèque de l’Ébaf.

Fr. Dominic : Je suis professeur à l’Ébaf depuis 2014. Cette année, je donne un cours sur les évangiles de Jean et Marc. Je viens de la province d’Inde, ainsi une partie de mon apostolat de prêtre est auprès de la communauté chrétienne indienne de Terre sainte.

Quel écho les évènements du 7 octobre ont-ils eu pour vous ?

Nina : Il m’a fallu quelques jours pour réaliser. En voyant les Palestiniens qui travaillent ici s’inquiéter, j’ai commencé à comprendre.

Beatriz : Sur le coup j’étais hébétée, sans rien pouvoir imaginer de la suite. J’ai été saisie d’effroi à la vue des images, et prise d’une grande tristesse face à la laideur du mal.

Fr. Dominic : Deux jours après mon retour à Jérusalem, la guerre a éclaté. Le nombre grandissant de massacres d’innocents a suscité en moi de la colère, puis de la compassion et enfin une prière suppliant que la guerre ne se transforme en conflit mondial.

Quel impact la guerre a-t-elle eue sur votre quotidien à l’Ébaf ?

Père Otabela : Je consulte un peu plus les informations pour comprendre la situation.  Heureusement, on peut prier ardemment ici, en Terre Sainte, pour demander la paix. Au départ, mes proches me suggéraient de rentrer. Je crois qu’ils ont compris que nous ne sommes pas sous les bombes à Jérusalem. En effet, à l’Ébaf, on se sent en confiance. Les frères qui sont présents depuis longtemps nous aident à  contextualiser la situation. Tous, volontaires, étudiants, chercheurs, professeurs, ont la volonté de faire famille. Peut-être que le contexte actuel nous soude un peu plus. J’apprécie énormément la simplicité des rapports, qui permet de toucher du doigt les acteurs de la recherche qui a lieu ici.

Beatriz : Je n’ai pas peur pour moi. Je sens qu’on vit une transition historique et l’Espérance est éprouvée. Je vis cette guerre comme une expérience spirituelle qui exige de cultiver la prière et de croire en la force de cette dernière. Finalement, la vie de pèlerin prend un autre tour, plus intérieur.

Fr. Dominic : L’assemblée de la communauté indienne de Tel Aviv pour laquelle j’ai célébré six fois la messe depuis le 7 octobre a grossi, terrifiée par la situation. Toutes ces personnes travaillent pour des familles juives. En prêchant, mon rôle était de leur rappeler que nous ne sommes pas là pour prendre parti, mais pour prier pour la paix et la sécurité de chacun.

Nina : On ne sort plus en soirée, ce qui accorde plus de temps pour prier. Tous les soirs, le chapelet avec les frères est très beau. Prier pour une guerre qui nous entoure rend l’Évangile vivant. On se recentre sur l’essentiel : préserver la paix de son cœur pour qu’il demeure un canal de transmission de la paix que le Christ ressuscité a communiqué il y a 2000 ans, au Cénacle, à 1 km d’ici.

Propos recueillis par ChD
Photo : ChD, Ébaf