MARIE JOSEPH LAGRANGE, O.P. : LE PROGRÈS DANS LA VÉRITÉ

À l’occasion de la journée d’étude sur le père Marie Joseph Lagrange, organisée le 9 mars 2024 au couvent Dominicain de Nice, petit rappel sur la vie et l’œuvre du fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.

Né à Bourg en Bresse en 1855, Marie Joseph Lagrange achève son doctorat en droit lorsqu’il se sent appelé à la prêtrise et entre au séminaire de Saint-Sulpice à Issy les Moulineaux. Il y découvre l’idéal dominicain et reçoit l’habit en 1879 pour la province de Toulouse. 

Expulsé de France par les décrets de 1880, les frères se réfugient en Espagne. Six ans plus tard, le P. Lagrange revient à Toulouse où il enseigne et prêche l’Évangile. Il est alors envoyé à l’université de Vienne pour se perfectionner dans l’étude des langues orientales avant de rejoindre Jérusalem pour fonder une école d’Écriture sainte : l’École biblique de Jérusalem est née. Le père Lagrange y passa 45 ans et ne chôma pas : fondation de l’École en 1890, de la Revue biblique en 1892, de la collection des Études bibliques en 1898, développement des recherches archéologiques. Toutes ces « créations » devinrent des références qui mirent l’école en contact avec des scientifiques du monde entier. Rappelée à Dieu le 10 mars 1938 alors qu’il séjournait en France, sa dépouille revient à Jérusalem en 1967 et elle repose désormais dans le chœur de la basilique Saint-Étienne.

Né le jour de la fête de Saint Thomas d’Aquin, qui professait déjà au XIIIème siècle que la foi chrétienne n’est ni incompatible, ni contradictoire avec l’exercice de la raison, Lagrange se fait son disciple. En fondant l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, il s’attelle à un grand défi : l’usage de la raison pour une critique scientifique de la Bible. Il ne redoutait pas les découvertes scientifiques sachant que “la vérité rend libre.” (Jean 8, 32). Par ailleurs, il prône une méthode qui confronte l’interprétation de la Bible au terrain où elle est née et dont elle s’est nourrie. C’est encore l’axe de recherche de l’École aujourd’hui. 

Lagrange préconise une analyse approfondie des textes à la lumière de leur contexte historique et culturel. Cette méthode, subversive à l’époque, permettait de disséquer les Écritures en donnant un accès nouveau à tout un champ des possibles. Les exégètes se mirent à chercher à distinguer les couches historiques, les genres littéraires et les influences rédactionnelles ayant façonné les textes. Lagrange s’engage dans un travail minutieux pour reconstruire les textes bibliques dans leur forme la plus authentique. Sa maîtrise des langues bibliques anciennes, combinée à une analyse scrupuleuse des manuscrits disponibles, lui permit de produire des éditions critiques de plusieurs livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ces éditions, caractérisées par leur précision philologique et leur fidélité aux sources originales, demeurent des références pour les exégètes bibliques d’aujourd’hui et font de l’École un lieu incontournable des études bibliques. 

​​En tant que théologien, le père Lagrange s’efforce d’harmoniser les découvertes de la critique biblique avec la foi chrétienne. Bien que fervent défenseur de l’érudition critique, il n’a jamais perdu de vue l’importance de la foi dans sa quête de vérité. Pour lui, la critique biblique était un moyen de mieux comprendre les Écritures et d’approfondir la spiritualité chrétienne, plutôt qu’un exercice visant à les dévaloriser. Sa recherche s’épanouissait dans une connaissance de Dieu savoureuse, personnelle, vivifiante.

La cause de béatification du père Marie-Joseph Lagrange, o.p., a été ouverte en 1986. Il est actuellement “serviteur de Dieu”, première étape vers la béatification.

Emeline d’Hautefeuille