CANONISATION DU LAÏC DOMINICAIN PIER GIORGIO FRASSATI

Ce dimanche 7 septembre 2025, l’Église proclame saint Pier Giorgio FRASSATI, jeune laïc dominicain tertiaire originaire de Turin. Le pape François, qui l’a présenté à plusieurs reprises comme un modèle de vie chrétienne pour les jeunes, souligne son courage, sa joie évangélique et sa cohérence de vie remarquable.

C’est en 1918 que Pier Giorgio découvre la spiritualité de saint Dominique. En 1922, il fait profession comme tertiaire dominicain, intégrant sa vie de prière à un engagement concret au service des pauvres, des malades et des exclus. Ce choix, profondément réfléchi, exprimait son désir sincère de vivre l’Évangile sans compromis.

Comme le rappelle Nicola Gori dans Sulla via dell’amore, Pier Giorgio était un véritable « contemplatif en action », à l’image de Dominique de Caleruega. Sa profession dominicaine n’était pas un simple engagement formel, mais une démarche exigeante et cohérente, marquée par la foi, la prière et le service.

Aujourd’hui encore, son témoignage résonne avec force. Dans un monde souvent marqué par l’indifférence, il nous invite à vivre l’espérance, la compassion et la joie chrétienne. Sa canonisation est un don pour toute l’Église, en particulier pour les jeunes en quête de repères et de témoins authentiques de l’Évangile.

« Vers le sommet » Avec lui, marchons avec foi.

Photo : Ordo Prædicatorum.

PORTRAIT D’ENSEIGNANT : PAUL-MARIE FIDÈLE CHANGO

Avant de rentrer dans l’Ordre de Saint Dominique, j’enseignais la philosophie en classes de terminales et je formais et accompagnais les élèves qui préparaient leur baccalauréat dans les séries littéraires et qui avaient un intérêt avéré aussi bien pour la philosophie que pour les langues anciennes et modernes.

Après mes vœux perpétuels et mon ordination sacerdotale dans l’Ordre des Prêcheurs au sein de ma province, tenant certes compte de ce passé, m’a suggéré de me former en sciences bibliques pour répondre aux besoins de professeurs qui se faisaient pressant et face auxquels mon provincial et son conseil avaient, à l’époque, à prendre des décisions judicieuses.

C’est ainsi qu’après mon premier cycle en sciences bibliques au prestigieux Pontificium Institutum Biblicum de Rome, je suis arrivé à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem pour finir ma thèse, en restant sans réserve à la disposition de l’Ordre dont les vues à mon sujet sont restées, jusqu’au bout, conformes aux orientations initiales.

Dans ce contexte, après ma thèse doctorale en sciences bibliques défendue à l’ÉBAF sur les livres sapientiaux vétérotestamentaires, j’ai enseigné l’hébreu biblique et l’exégèse de l’Ancien Testament pendant deux ans au Studium Generale Dominicanum de la Province dominicaine d’Afrique de l’Ouest et à l’ISTAY (Institut Saint-Thomas d’Aquin à Yamoussoukro, Côte d’Ivoire) avant de rejoindre le corps enseignant de l’ÉBAF où j’enseigne l’exégèse des livres sapientiaux et des traditions sapientielles de l’AT.

Parallèlement aux cours que je donne à l’ÉBAF sur les livres sapientiaux vétérotestamentaires et conjointement aux travaux académiques que je dirige, la majeure partie de mes recherches actuellement porte sur le commentaire du Qohélet dans la BEST (Bible En Ses Traditions). Cette œuvre dont la réalisation est incontestablement chronophage, je la mène dans une étroite collaboration avec Jean-Jacques LAVOIE (Professeur à l’Université du Québec à Montréal). C’est un volume qui se veut proprement encyclopédique et qui prend inévitablement une ampleur considérable (qui confine déjà à pas moins de 1 500 pages en PDF). Nous sommes au stade du peaufinage du manuscrit et de sa mise en ligne (exceptionnellement réservée aux spécialistes du Comité Éditorial de la BEST), puis dans 2 ou 3 ans seront programmées les formes d’édition officielle imprimée de l’ouvrage en entier.

Une question éminemment importante sur le plan académique et en l’occurrence dans les recherches sur les traditions sapientielles vétérotestamentaires est celle des probables affinités entre le Qohélet et les vestiges littéraires et philosophiques grecques. Plusieurs réponses avaient été données en considérant les doctrines des écoles philosophiques grecques et non pas de manière spécifique et pointilleuse les philosophes pris de façon isolée et examinés en toute rigueur à partir de leurs propres œuvres. Aussi à cette question dont les avatars sont, par exemple, la datation du Qohélet ou encore la composition du chef-d’œuvre sapientiel (et autres) ai-je explicitement répondu dans deux volumes qui se complètent : Paul-Marie Fidèle Chango, Qohélet et Chrysippe au sujet du temps : Εύκαιρία, αίών et les lexèmes ‘êṯ et ‘ōlām en Qo 3,1-15, CahRB 81, Paris : Gabalda, 2013 ; Idem, L’Ecclésiaste à la confluence du judaïsme et de l’hellénisme, CahRB 93, Leuven : Peeters, 2019.

Dans le prolongement des enquêtes faites à cet égard, ce qui me passionne dans mon domaine c’est la manière dont, d’une part, la prosopopée de la sagesse (qui n’est pas un locus favori des questionnements qohélétiens mais plutôt de Pr 1,20-33 ; 8,1-36 ; 9,1-6.13-18 ; Si 4,15-19 [Hébreu] ; Si 24,3-22 ; Jb 28 ; Sg 7,22-8,1) et, d’autre part, les possibilités non seulement de la christologisation de la sagesse mais aussi de la sapientialisation de certains aspects de la christologie contemporaine laissent observer, de nos jours, une recrudescence des études approfondies qui apportent davantage de lumière en la matière. Dans ce filon, plusieurs travaux sont déjà menés dont les plus connus en langue Française restent sans doute, A. Feuillet, Le Christ Sagesse de Dieu d’après les Épîtres Pauliniennes, EtB [AS 53], Paris : Gabalda, 1966 ; J.-N. Aletti, « Proverbes 8,22-31 : Étude de structure », Biblica 57 (1976) p .25-37 ; M. Gilbert — J.-N. Aletti, La Sagesse et Jésus-Christ, CE 32 (1980) ; M. Gilbert, « Le discours de la Sagesse en Proverbes, 8 », Idem (éd.), La Sagesse de l’Ancien Testament, Leuven : Leuven University Press, 1990, p. 202-218 ; M. Fédou, La sagesse et le monde : essai sur la christologie d’Origène, Jésus et Jésus-Christ 64, Paris : Desclée, 1995 ; Idem, « Enjeux contemporains d’une christologie sapientielle », J. Trublet, (éd.), La sagesse biblique, LD 160, Paris : Cerf, 1995, p. 467-493 ; Y. F. G. GAMBADATOUN, Connaître le mystère — Connaître la sagesse. La γνῶσις et l’unité ecclésiale et cosmique en Éphésiens 3,1-13, Analecta biblica. Dissertationes 229, Roma, PBI — Gregorian & Biblical Press, 2020. Mais ce chantier reste toujours une piste de recherches dont les hypothèses probantes encouragent encore et revendiquent des investigations dont les démarches heuristiques assorties de l’examen critique des écrits des Pères latins et grecs devront tenir compte d’une bonne partie du vocabulaire conceptuel des Pères marqué par les concepts philosophiques grecs.

En tant que chercheur et professeur ce qui me saisit et me touche viscéralement au jour le jour c’est la cosmicité et l’aspect cosmopolite de la ville de Jérusalem. Ici je me sens partie intégrante du monde entier voire de tout l’univers étant donné l’interculturalité qui se joue de toute évidence dans ce lieu fréquenté par des milliers de pèlerins et de touristes de toutes les nationalités du globe. Il est vrai que Is 2,2-4 (qui est un commentaire renouvelé de Is 2,12-17) ; puis Is 41,5 et Is 49,18.22-23 (dont quelques éléments reviennent en filigrane en Is 60,1-7 et en Is 66,18) annoncent l’affluence vers Jérusalem en provenance d’une multitude de nations. Et il va sans dire que les Actes des Apôtres, dans le récit du jour de la Pentecôte, soulignent, déjà de façon singulière, un aspect patent (Ac 2,5.9-11) du caractère cosmopolite de Jérusalem en parlant des hommes ἀπὸ παντὸς ἔθνους τῶν ὑπὸ τὸν οὐρανόν (« de tout pays d’entre ceux qui sont sous le ciel », Ac 2,5) qui constituaient l’aréopage éclectique (Ac 2,14) à la fois hiérosolymitain et supranational devant lequel Pierre tint sans ambages  son discours tout en faisant, avec un raffinement consommé, une exégèse serrée de Jl 3,1ss ; Ps 16,8ss ; Ps 110,1ss ; Ps 132,11ss ; 1Ch 17,11.14ss ; 2S 7,12-17. Néanmoins, l’internationalité inaliénable autant anthropologique que culturelle des passagers / résidents qui cohabitent, qui se côtoient et qui se fréquentent à Jérusalem — toutes considérations politiques et/ou religieuses mises de côté — est d’autant plus manifeste de nos jours que cela m’interpelle sans cesse et me rappelle avec insistance dans quelle mesure la réflexion intellectuelle et académique sur l’inculturation de la Parole de Dieu ne saurait perdre de vue son interculturalité. Pour tout dire en peu de mots, bien qu’adressé à des femmes et à des hommes intégrés dans des cultures diverses, le message de la résurrection en Ac 2, par exemple, reste destiné à toute l’humanité et à tout être humain en tant qu’appelé à vivre à la ressemblance du Christ en qui l’engendrement baptismal dans le nouvel Adam invite à faire éclore sans opacité l’imago dei que l’Adam primordial n’a pas réussi à entretenir avec perfection. Ceci me ramène de manière intégrale, systématique et soutenue aux réflexions que je mène constamment avec grande circonspection sur Bible et Cultures et a fortiori sur les rapports intrinsèques entre l’internationalité / universalité des littératures sapientielles vétérotestamentaires et les particularités / spécificités de l’élection du peuple qui en a reçu le dépôt de la révélation.

 

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : ÉMILE PUECH

Né le 9 mai 1941 aux Cazelles de Sébrazac (Aveyron), l’abbé Émile PUECH incarne l’union entre la foi et la  quête de savoir. Prêtre catholique et épigraphiste français de renom, il consacre sa vie à la recherche et à l’enseignement et laisse son empreinte indélébile dans le domaine des études bibliques et  archéologiques.

Après une formation au séminaire à Rodez, P. Émile intègre l’Institut Catholique de Paris où il  étudie sous la direction de professeurs de renom tels que André FEUILLET, Henri CAZELLES, Jean DANIÉLOU et Pierre GRELOT. Durant ces deux années, il obtient une maîtrise de théologie et une  maîtrise des langues orientales anciennes à l’École des Langues Orientales Anciennes en grec biblique, hébreu biblique, spécialisation poursuivie les deux années suivantes en araméen  biblique, syriaque, ugaritique, phénicien, akkadien et ge‛ez.

Ordonné prêtre en juin 1969, il poursuit ses études à l’École Pratique des Hautes Études, sections IV et V (André DUPONT-SOMMER, André CAQUOT, Pierre HADOT) et à l’École du Louvre, les cours  de Pierre AMIET en sigillographie mésopotamienne, se spécialisant en épigraphie sémitique. En 1971, il  rejoint l’École biblique et archéologique française de Jérusalem en tant que boursier de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, à un moment où l’institution entreprend des fouilles importantes à  Tel Keysân auxquelles il participe.

Lors de son arrivée à Jérusalem, le contexte politique avait perturbé les plans initiaux de l’équipe  internationale et interconfessionnelle de l’édition des manuscrits de la mer Morte mise au point par le frère Roland DE VAUX, o.p. décédé un moins après son arrivée. L’abbé Jean STARCKY, chargé de la publication  d’un lot de manuscrits hébreux et araméens des manuscrits de la mer Morte, trop engagé des côtés  jordanien, syrien et libanais, ne pouvait continuer son travail. Suite à des cours sur les manuscrits par Jean CARMIGNAC à l’ICP, le père Émile est sollicité pour prendre en charge le lot Starcky. C’est ainsi que, conformément à l’adage c’est en forgeant que l’on devient forgeron, que lui rappela Jean STARCKY, il se plonge dans l’étude et la publication des manuscrits de Qumrân, devenant rapidement un expert reconnu dans ce domaine.

En 1974, il commence à enseigner à l’ÉBAF, prenant la suite du frère Jerome MURPHY-O’CONNOR, o.p.,  sur les manuscrits de la Mer morte. Répondant à une demande du nouveau recteur de l’Institut biblique de Rome, l’abbé Maurice GILBERT, il assure dès 1975 le cours de l’araméen biblique. Cette tâche, il l’accepte avec enthousiasme, partageant encore aujourd’hui son savoir et sa passion pour les langues  sémitiques avec les étudiants de l’École.

En 1975, l’abbé Jean CARMIGNAC voulait arrêter la Revue de Qumrân qu’il avait fondée pour se consacrer à  d’autres études, et il demanda à son ancien élève s’il acceptait de prendre la succession. Conseillé et encouragé par ses anciens maîtres, il accepta la relève d’abord comme directeur adjoint, ne résidant  pas en France. Mais il en prendra la direction en 1986 jusqu’en 2013.

Élu éditeur en chef des manuscrits de la grotte 4 de Qumrân par ses pairs en 1990, le P. Émile jouit d’une autorité incontestée dans le domaine de la recherche sur les manuscrits de la Mer morte. Membre du comité scientifique de plusieurs revues, dont la Revue Biblique, il contribue à  l’avancement des connaissances dans le champ des études sémitiques anciennes.

Docteur en Théologie à l’Institut Catholique de Paris, docteur en Histoire des Religions, Paris  Sorbonne 4, habilité à diriger les recherches, Université M. Bloch Strasbourg, P. Émile a reçu  de nombreuses distinctions, dont le titre de Chevalier de la Légion d’honneur en 2001, le prix Charles Clermont-Ganneau d’épigraphie sémitique en 2008. En 2006 et 2021, il est honoré par des volumes de mélanges, témoignant de l’impact de ses travaux sur la communauté scientifique. En 2007, il est  fait membre correspondant de l’Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, Philologisch Historischen Klasse.

Aujourd’hui, il travaille notamment à l’édition des papyri nabatéens initialement confiés à Jean STARCKY en 1952, comme des ostracas de Petra, ainsi que sur des manuscrits araméens et hébreux de Qumrân.  Mais également il a un projet de recherche ambitieux : l’origine de l’alphabet ! Cette innovation fondamentale qui a permis la rédaction de la Bible et qui nous permet de recevoir la Parole de Dieu,  parole chargée d’histoire.

Sa vie et son œuvre illustrent la mission de l’ÉBAF initiée par son fondateur le frère Marie-Joseph LAGRANGE, o.p. : approfondir la connaissance des textes anciens et éclairer l’histoire biblique par la rigueur scientifique et la passion pour l’archéologie.

 

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : MARTIN STASZAK

Né à Berlin en 1959, frère Martin a grandi en observant la construction et la chute du mur. Son parcours académique et religieux débute en 1978 lorsqu’il entre dans l’Ordre Dominicains. Il commence ses études religieuses à l’Université de Fribourg en Suisse, où il obtient une licence en théologie et apprend le français. Sa soif de connaissance le mène sur la route de l’ÉBAF où il prépare une licence biblique. Son séjour en Terre sainte est marquant sur plusieurs plans : il se passionne pour l’antiquité biblique, l’akkadien, la tradition mésopotamienne … Et apprend auprès des grands noms de l’École qui font encore sa réputation aujourd’hui ! Il y fait également la connaissance de Raymond Westbook, juriste et historien du droit, mais également éminent assyriologue de l’Université hébraique, qui lui procure une bourse pour étudier l’assyriologie et le sumérien aux États-Unis. Le voilà à la Johns Hopkins University à Baltimore pour rédiger un mémoire (qui deviendra le sujet de sa thèse de doctorat) sur les villes refuges.

Dans les années 90, de retour dans sa province en Allemagne, il soutient sa thèse de doctorat. Fidèle à sa vocation de frère prêcheur, il accompagne des aumôneries étudiantes et des paroisses pendant douze ans. En parallèle, il entame la rédaction d’un livre sur les phrases interrogatives dans l’Ancien Testament. En septembre 2015, il devient prieur du Couvent Saint-Étienne.

En plus de sa charge de prieur, centrale à la vie de la communauté, frère Martin déploie une énergie sans fin dans ses multiples fonctions. Professeur ordinaire d’Ancien Testament, membre des comités d’archéologie et de la bibliothèque, président du comité des publications, il veille à la diffusion rigoureuse des recherches académiques de l’École. Cependant, il trouve le temps de prendre soin des abeilles du couvent saint Étienne, pour le plus grand bonheur des frères et étudiants. Il publie des articles et des recensions de livres. Spécialiste de la syntaxe hébraïque et araméenne, ainsi que de l’histoire biblique, il travaille actuellement sur un commentaire du premier livre de Samuel. Il cherche à mettre en lumière les différences entre les textes bibliques et les connaissances historiques contemporaines. Sa devise « Que veut dire le texte très exactement ? » est la ligne directrice pour atteindre une exégèse rigoureuse.

Frère Martin est fasciné par l’environnement international et multiculturel de Jérusalem et de la communauté du Couvent Saint-Étienne. Cette ville, avec ses complexités et ses tensions, est pour lui le lieu par excellence de l’étude biblique. Les paysages, les coutumes et la mentalité orientale offrent une perspective unique pour mieux comprendre les Écritures. Les sites archéologiques, en particulier en Galilée, le marquent particulièrement : voir les lieux où les événements bibliques ont eu lieu. 

Enfin, Fr. Martin souligne l’importance de la mission de l’ÉBAF : offrir aux chercheurs la possibilité d’étudier la Bible au pays de la Bible. Pour lui, être à Jérusalem, c’est être au cœur de l’histoire biblique, un privilège qui doit être partagé avec la communauté scientifique et religieuse internationale.

 

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : UN JÉSUITE CHEZ LES DOMINICAINS

Peux-tu te présenter ?

Je suis le père Andreas BERGMANN, s.j., originaire d’Allemagne. Depuis quinze ans, j’ai vécu et travaillé comme vicaire dans une paroisse jésuite d’environ 4000 personnes à Uppsala, une petite ville proche de Stockholm en Suède. Une de mes missions était d’enseigner dans nos facultés, notamment à l’Institut Newman. En terminant mon ministère paroissial, j’ai bénéficié d’une année sabbatique et j’ai envisagé plusieurs options : rester en Suède, retourner en Allemagne, ou explorer d’autres possibilités. Finalement, j’ai rencontré les dominicains à Lund, en Suède, qui m’ont simplement suggéré : « Pourquoi ne pas passer votre année sabbatique à Jérusalem ? » Ayant déjà séjourné à Jérusalem en 1997 et 1998 comme volontaire dans une maison pour enfants handicapés à Beit Jala — une expérience très positive que je garde en mémoire — j’ai pensé qu’il serait intéressant d’y revenir. Toujours passionné d’archéologie et de théologie, j’ai estimé que l’ÉBAF serait un excellent endroit pour étudier.

Comment vis-tu cette année d’étude sabbatique ?

Étant ici en sabbatique, je ne ressens ni besoin ni pression d’obtenir des crédits universitaires. J’ai donc choisi des sujets qui m’intéressaient vraiment et suivi divers cours et séminaires que j’ai beaucoup appréciés. Par exemple, un séminaire avec le frère Anthony sur l’Évangile de Luc, un cours donné par le père Boris, un autre jésuite, sur l’Évangile de Matthieu, ainsi que les excursions topographiques et voyages d’étude organisés par le frère Yunus à travers la Terre Sainte. Par ailleurs, j’ai décidé d’écrire un essai sur Paul intitulé « Paul entre hellénisme et judaïsme », en me concentrant sur ses premières lettres. Cela m’occupe pas mal. Nous avons également suivi un séminaire sur l’Évangile de Luc en grec, ainsi qu’un autre sur les Actes des Apôtres. C’est dans ce cadre que j’ai découvert un livre qui m’a intrigué, écrit par Pamela EISENBAUM, Paul Was Not a Christian, qui invite à comprendre Paul avant tout comme un Juif. Cela m’a poussé à approfondir cette question : Paul était-il plutôt juif ou hellénistique ?

Qu’est-ce qui t’a intéressé à l’ÉBAF ?

L’ÉBAF présente de nombreux atouts. L’un d’eux est le groupe d’étudiants ici, très talentueux, maîtrisant plusieurs langues et chacun spécialisé dans un domaine précis. C’est très inspirant de voir leur travail collaboratif et leur approche rigoureuse de leurs sujets. Je suis aussi très reconnaissant envers les professeurs, d’une compétence remarquable. Ensuite, je dirais que l’emplacement joue un rôle important, notamment pour l’archéologie, car l’École sert de base pour les recherches sur le terrain. Enfin, je mentionnerais le cadre même de l’ÉBAF, particulièrement la bibliothèque, qui favorise un travail d’étude approfondi. L’École est fascinante : je ne connais aucun autre lieu offrant de telles ressources. Notamment à Jérusalem, les possibilités d’approfondir la théologie juive sont nombreuses, ce qui était pour moi un domaine encore peu familier, mais dont j’ai progressivement saisi l’importance.

 

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.

 

Comment articules-tu raison et foi dans ce contexte ?

Étant jésuite, je dirais que l’approche ici — la manière d’interpréter les Écritures, de travailler les textes bibliques — illustre bien comment on peut concilier raison et foi. On n’est pas seulement capable d’expliquer le contexte historique et culturel des livres, mais aussi d’imaginer et de méditer tout ce qui touche aux textes bibliques. C’est un outil essentiel pour garder le cœur et l’esprit unis, même si cela reste un défi permanent. Cette méthode, souvent plus intellectuelle, est constamment entraînée pour percevoir la parole avec notre raison. C’est un aspect que j’ai particulièrement apprécié dans les cours. Beaucoup d’entre eux abordent aussi l’art, ce qui permet d’approcher les textes non seulement d’un point de vue intellectuel, mais aussi sensible et esthétique.

Que t’apprend ton séjour à Jérusalem sur la Terre sainte ?

Terre Sainte… Pour l’instant, elle ne paraît pas très sainte. Quand j’y suis venu la première fois, en 1997-1998, c’était entre la première et la seconde intifada, avec des attentats-suicides. Il y avait encore une certaine forme d’espoir qu’un développement pacifique soit possible. Ainsi, pendant mes premières années ici, je pensais bien connaître la situation, mais j’ai vite compris que c’était une grave erreur. Je ne m’attendais pas à ce que la situation devienne aussi désespérée, et elle n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Le mot « sainte » est donc difficile à appliquer au contexte actuel. Il existe différentes perceptions de la sainteté. La théologie orthodoxe juive, par exemple, n’est pas toujours facile à appréhender. Comme le patriarche Card. Pierbattista PIZZABALLA l’a dit : « Nous avons de l’espoir, mais pas de solution », une distinction bien formulée qui résume parfaitement la situation.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.


Quelles sont tes principales expériences cette année ?

L’expérience de passer du temps à l’étranger, c’est surtout au retour chez soi qu’on réalise ce qui a changé dans sa vie. Pour l’instant, je dirais que les nombreuses expériences vécues à l’ÉBAF ont été incroyables, et je suis encore en train de déterminer lesquelles ont été les plus marquantes.

Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite venir à l’ÉBAF ?

Venez, simplement venez ! Ne ratez pas cette opportunité. Ne vous inquiétez pas de la situation. L’ÉBAF est un lieu sûr où vous pourrez rassurer votre famille et vos amis sur votre sécurité. C’est difficile à faire comprendre, surtout à Jérusalem, mais on y vit en toute sécurité. L’image que les médias donnent ne reflète pas fidèlement la réalité ici.

Un message pour nos donateurs ?

J’espère que vous apprécierez ce que vous soutenez ici. Votre aide ne se mesure pas en chiffres. Quiconque vient ici et reste un temps sera non seulement transformé personnellement, mais changera surtout sa perception de la Terre Sainte.

 

Original en anglais.

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : FR. JORGE-FRANCISCO VARGAS-CORVACHO

Je suis le frère Jorge, né à Ciudad de Mexico et, à l’âge de 19 ans, je suis entré dans l’Ordre des prêcheurs. J’ai suivi la formation normale : le noviciat, quatre ans de philosophie, six ans de théologie, avec une spécialisation biblique à Mexico. Dès l’enfance, j’avais eu un penchant pour l’histoire, la littérature et, pourquoi pas, la bible même. Je garde toujours comme relique le premier manuel que j’ai utilisé lors de mon premier cercle biblique à la paroisse, alors que j’étais encore un  adolescent. Une fois prêtre dominicain, j’ai travaillé pendant quelques années dans deux paroisses, l’une à la campagne et l’autre dans la grande ville de Mexico, puis j’ai eu l’occasion de faire des études complémentaires dans le domaine biblique et le meilleur endroit pour les faire était ici, dans notre couvent de Jérusalem. Et tiens ! J’ai été invité à rester ici − c’était l’époque du frère Guy TARDIVY, o.p. et du frère Marcel SIGRIST, o.p. – et j’y suis encore.

D’abord, le religieux que je suis a pour cadre de vie la vie du couvent, et je voudrais mentionner d’abord mes tâches communautaires, dont je suis fier, à commencer par celle qui m’a été confiée récemment : chroniqueur conventuel, sans oublier le service de la sacristie, c’est-à-dire le privilège de préparer les objets et les espaces liturgiques, et le fait même d’être en contact avec la liturgie et avec la communauté qui prie et célèbre, en permanence, 7 jours sur 7; je m’occupe aussi du grand orgue – qu’il soit en bon état et qu’il sonne les dimanches et certaines fêtes – en tant que sacristain je m’occupe aussi de l’accueil des groupes de pèlerins ou des fidèles qui demandent un service dans notre basilique.

Au niveau plus académique, j’assure le cours de langue ougaritique, en deux semestres, parfois appelée  “langue cananéenne”, qui s’avère un bel outil pour l’exégèse de l’Ancien Testament. Il s’agit d’un cours fort dans le sens que chaque année, il y a des étudiants internes et externes à le suivre. On ne l’arrête pas.   Deuxièmement, je voudrais mentionner que je fais partie de deux équipes : l’équipe de la Revue Biblique et l’équipe de la Bible en ses traditions. Et dans les deux, des défis inattendus se présentent et sont vraiment une occasion d’apprendre et d’être en formation permanente. Actuellement nous travaillons à la révision orthographique des noms propres de la Bible pour la traduction BibleArt, car le passage des milliers de noms de personnes et de lieux du latin du IVe siècle à la langue et à la culture françaises modernes n’est pas toujours évident. Comment Moshe devient Moïse, par exemple. Et ce travail peut se faire avec des critères différents, qui donneront des résultats très divers que l’on retrouve dans les différentes traductions de la Bible. Toujours pour le BEST, je viens d’avoir la joie de voir mon nom dans la nouvelle publication du livre de Jonas, en tant que collaborateur. Ce qui est vrai, bien sûr!

Je dirais qu’en général, mes inclinations sont plutôt philologiques, c’est-à-dire un goût pour le mot, la phrase en soi, et je pense que ce goût de la lettre est consacré et transfiguré lorsqu’il s’applique à l’Écriture Sainte. Passer “des mots, des paroles” à “la Parole, le Verbe”.  Affronter le texte biblique comme il est, mais pas seulement pour le lire ou le reproduire, mais aussi pour le comprendre au mieux de nos modestes possibilités, et pouvoir l’expliquer.

Il s’agit de deux questions. Les anciens auteurs spirituels disaient qu’il fallait préserver la clôture matérielle, c’est-à-dire le recueillement, et ne pas se laisser distraire et absorber par notre environnement. Ici, à Saint-Étienne, nous sommes protégés des événements par une triple enceinte physique: pierre (le mur), verdure (le jardin), pierre (le bâtiment). C’est un avantage si nous savons éviter les distractions, mais c’est un danger si cela nous fait oublier que nous sommes en Terre Sainte. Le défi est de nous laisser sanctifier non seulement par la Parole ou la liturgie quotidienne, mais aussi par cette Terre et, j’insiste, par ce temps si inquiétant que nous vivons. Et de contribuer par notre vie à la sainteté de cette Terre.

J’ai mes deux lieux de choix : pour mes études et mon apostolat, Santa Anna, parce que toutes les périodes archéologiques et plusieurs mystères de la foi s’y trouvent -y compris l’Évangile de Jean-, et parce que j’aime montrer ce lieu aux pèlerins. Deuxièmement, mon lieu de pèlerinage spirituel préféré est le tombeau de la Sainte Vierge Marie au Cédron ; je trouve qu’il m’est très facile d’y prier. Il y a moins de monde, dont j’aime contempler la dévotion, c’est plus calme à certaines heures de la journée, et j’aime imaginer que la première version du Saint-Sépulcre, au IVe siècle était comme celle-là.   Je vous remercie de votre attention.

 

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : D’ASSISTANT BEST À DOCTORANT

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Arthur, doctorant en égyptologie à la Sorbonne, après avoir fait 6 ans à l’ENS de Paris où j’ai étudié les lettres classiques, avec une spécialisation en linguistique indo-européennes puis en linguistique sémitique, en parallèle avec un master d’égyptologie à la Sorbonne.
Après quatre ans sur un poste d’enseignement à la Sorbonne mené en de front avec un travail d’archiviste à la bibliothèque d’égyptologie du Collège de France (Institut des Civilisations), j’ai cherché un cadre où passer ma cinquième et dernière année de thèse pour finir le travail de rédaction. Après mon agrégation, c’est dans cette perspective que j’ai postulé à la bourse de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (AIBL) pour un séjour d’un an à l’ÉBAF.

 

Pourquoi as-tu choisi l’ÉBAF pour ta fin de thèse ?

J’avais déjà séjourné à l’École biblique quatre mois en 2020 en qualité d’assistant pour le programme de recherche la Bible en ses traditions. Ce furent quatre mois des plus intenses, très stimulants d’un point de vue intellectuel. En effet, les conditions de vie à l’Ébaf font qu’on peut se consacrer totalement à ses études. J’avais gardé de ce premier séjour le souvenir très positif d’une certaine effervescence intellectuelle, pas seulement liée à la quantité de livres lus à la bibliothèque, mais aussi aux rencontres de professeurs dont le covid m’a, à l’époque, malheureusement empêché de suivre les cours jusqu’au bout. Je pense également aux discussions de très haute volée intellectuelle à table ou dans la vie quotidienne avec des personnes, enseignants et chercheurs dont on partage la vie à l’École.

 

Quel est ton projet académique ?

Mon but cette fois-ci était avant tout de terminer ma thèse. Ces quatre années passées m’ont donné goût à la recherche et, malgré la faible quantité de postes comparé au nombre de doctorants et post-doctorants, j’aimerais faire mes preuves en enchainant sur un ou plusieurs post-doctorats sans doute à l’étranger. Cette année à l’Ébaf est différente de mon séjour comme assistant à la BEST. Je n’avais alors pas le même quotidien. Mes horaires de travail étaient fixés par le Fr. Olivier-Thomas VENARD, o.p., et une fois mes missions réalisées j’assistais à des cours. Retrouver après quatre ans des visages familiers, les offices en commun, les repas en communauté était assez réconfortant.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Voyage d’étude en Jordanie, à Petra.

 

Quelles sont les forces de l’ÉBAF selon toi ?

J’ai eu un vrai plaisir à retrouver la bibliothèque, extrêmement bien fournie. Quand j’étais assistant de la BEST, j’avais juste soumis mon projet de thèse et n’avais pas du tout les mêmes centres d’intérêt. Je me concentrai sur les études bibliques et le Proche-Orient ancien. Cette fois-ci, j’ai été très agréablement surpris en découvrant la richesse de la collection égyptologique de la bibliothèque fortement développée. Il y a assez peu de bibliothèques qui proposent une telle variété de sujets couvrant l’Antiquité. Il faut reconnaître le travail effectué par les frs.  Pawel TRZOPEK, o.p., puis Bernard NTAMAK-SONGUÉ, o.p. Concentré sur la bibliothèque, j’ai moins profité d’autres pôles, si ce n’est l’atelier d’épigraphie et paléographie du P. Émile PUECH, un endroit particulièrement fascinant où a lieu le cours de paléographie sémitique.

 

Comment articuler foi et raison dans un tel contexte ?

A l’exception de l’ENS, de mon travail au Collège de France et à la Sorbonne, j’ai plus longtemps étudié dans des cadres où foi et études étaient mêlées que l’inverse. Alors je me suis construit en tant qu’humain et chrétien comme quelqu’un qui associe intimement étudier et pratiquer sa foi. Quand on évolue dans un environnement laïc, c’est plus difficile de maintenir sa pratique : il faut davantage de volonté et demander plus d’aide à Dieu pour maintenir cette double-vie qui peut être étanche. Ici, au contraire, il n’y a pas d’opposition entre étude et foi. Chacune a la place de s’épanouir sans concurrence mais en nourrissant l’autre. C’est enthousiasmant et riche, humainement et spirituellement, de pouvoir concilier les deux sans être tiraillé. Mon étude des langues anciennes a, en partie, pour but de comprendre les textes bibliques. Il n’est pas indispensable de maîtriser cela pour avoir une foi solide comme le roc, mais mes connaissances en latin, grec et maintenant hébreu et araméen me permettent d’avoir un accès plus profond aux textes bibliques et à leurs contextes. Comme on le répète à l’Ébaf, il y a effectivement un lien entre le monument et le document, les textes ne sont pas sortis de nulle part. Le contexte en question est judéen, israélite, mais aussi cananéen, proche-oriental, égyptien car l’Égypte a administré le Levant pendant une longue période. La bible comporte des influences de ces zones et de ceux qui y ont régné. Une partie des textes fut même rédigée lors de l’exode à Babylone. En ce qui me concerne, certains textes sur lesquels je travaille trouvent un écho dans des textes bibliques. Par exemple, à l’intérieur d’un chant d’amour égyptien utilisé dans ma thèse, il y a des motifs qu’on retrouve dans le Cantiques des cantiques, une forme de transfert des rapports amoureux entre bien-aimés. Cela tord le cou à l’idée que retrouver les origines de la bible éloignerait de la foi. 

 

Dans ce contexte, que signifie Terre sainte pour toi ?

Cette terre est sainte au sens où elle est terre d’élection judéo-chrétienne. La sainteté n’appartient pas intrinsèquement à la terre, mais parce que Dieu a choisi de s’y révéler, d’abord à un peuple, puis à l’humanité tout entière en s’incarnant. C’est aussi une terre d’élection pour les musulmans : la tradition entourant leur Prophète dit qu’il aurait effectué un voyage nocturne à Jérusalem. Dans ces traditions religieuses, Dieu a choisi cette terre comme point de départ de sa révélation aux humains. (Re)venir à cette origine, c’est aussi essayer d’en retracer l’histoire : d’abord celle de la relation d’un peuple avec Dieu, puis la relation de l’humanité avec Dieu, via son fils, Dieu fait homme, qui fait le choix de s’incarner ici il y a 2 000 ans.

 

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Jeudi de l’ÉBAF d’Arthur, conférence en ligne sur notre chaîne YouTube.

Tes séjours ici ont-ils fait évoluer cette vision ?

Certainement. En quittant Jérusalem en 2020, j’ai eu l’intime conviction qu’il s’agirait d’un souvenir gravé éternellement dans ma mémoire. Là où cela change ma perspective, c’est que, honnêtement, j’étais assez peu réceptif à la notion de lieu saint : j’étais déjà allé à Rome, Assise… un certain nombre de sanctuaires et y étais peu sensible. Or, pour moi, à Jérusalem la sainteté des lieux prend tout son sens : Jésus a foulé, habité, donné sa vie et surtout est ressuscité en ces lieux. Lors de ma première visite au Saint Sépulcre, il s’est produit quelque chose en moi, un déclic, j’ai compris ce qu’est un lieu saint et ce que cette définition signifie. Pour moi, il n’y a qu’en Terre sainte que mon rapport aux lieux saints a quelque chose de différent.

 

Que dire à quelqu’un qui envisagerait de venir étudier à l’ÉBAF ?

Je l’avertirais au même titre que je l’encouragerais : à l’ÉBAF offre un certain cadre de vie comme qui favorise une forme d’ascèse : on ne vient pas à l’ÉBAF pour sortir tous les soirs, pour avoir une vie sociale comme à la maison. On vient ici pour se recentrer sur un objectif académique et personnel ; pour mener une double retraite : non seulement spirituelle -on vit au rythme des cloches d’un couvent, on peut participer aux différents offices, mais aussi intellectuelle car on acquiert des connaissance, on essaye de tirer le meilleur parti de cours exigeants et des ressources de la bibliothèque, on échange avec les membres de la communauté académique… Je dirais aussi que c’est une année hors du temps qui compte dans une vie sur le plan  spirituel et intellectuel. C’est une occasion unique à ne pas gâcher. La vie habituelle d’un chercheur c’est beaucoup de réunions , de discussions, d’événements et c’est très bien. Cependant, il y a très peu de moments pour se retirer et se nourrir intellectuellement de façon presque boulimique : c’est le sentiment que j’ai depuis mon arrivée, je n’ai jamais autant lu de livres ; n’en déplaise à mes quatre dernières années de doctorat. En somme, on vit ici une vie intellectuelle à la fois solitaire à la bibliothèque, mais très connectée lors des conversations et des événements organisés par l’ÉBAF, comme les sorties topographiques et les conférences du jeudi. Il faut s’avoir à quoi s’attendre, sur le caractère ascétique d’une telle année d’étude, mais en même temps c’est une occasion inégalable qu’il faut saisir à tout prix.

 

Que dirais-tu à d’éventuels donateurs ?

Dans un monde où la recherche gratuite -celle pour faire avancer la connaissance du monde qui nous entoure, des civilisations qui nous ont précédé, des êtres humains qui ont vécu avant nous- devient de moins en moins valorisée et où la reconnaissance manque, il faut justement défendre de telles possibilités. C’est ce que vous pouvez faire en soutenant l’Ébaf. Et s’il y a un endroit où l’argent est bien placé, au-delà de l’humanitaire et du caritatif, c’est ici dans la recherche. Les dons servent concrètement à créer un bienfait, au sens littéral et étymologique du terme.

 

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : FR. MARC LEROY

Je suis le frère Marc Leroy, dominicain de la Province de France. Je suis né en 1970. J’ai fait mon noviciat à Strasbourg, puis mes études de philosophie et de théologie à Lille et à Lyon. Durant ces années, j’ai beaucoup aimé les études bibliques.

Je suis arrivé au couvent Saint-Étienne / École biblique et archéologique française de Jérusalem en 2003 envoyé par ma province. Je devais rester trois années afin de passer les examens devant la Commission Biblique à Rome, puis revenir dans la Province de France comme professeur pour les jeunes frères du studentat dominicain. J’ai fait mon mémoire de tesina sur les prophètes mineurs. Les frères de l’époque m’ont demandé de rester à Jérusalem, j’étais d’accord et ma province aussi. Je suis donc assigné au couvent Saint-Étienne depuis 2006, date à laquelle j’ai commencé à y enseigner l’hébreu biblique et l’Ancien Testament.

La vie au couvent est très intense et je n’ai pas le temps de m’ennuyer. J’ai occupé de très nombreuses fonctions pour le couvent et pour l’École : 7 ans sous-prieur ; 7 ans vicaire ; 12 ans secrétaire des études ; 8 ans sacristain ; plusieurs années comme sous-chantre.

Actuellement, j’ai plusieurs activités : directeur de la Revue Biblique ; membre du comité éditorial du projet La Bible en ses Traditions ; j’ai crée un livre d’hommages au frère Étienne Nodet, o.p., décédé, avec 14 collaborateurs du monde entier, amis et disciples du frère Étienne. Matthieu RICHELLE, professeur à Louvain-la-Neuve, m’a aussi demandé de m’occuper de plusieurs livres bibliques des petits prophètes pour la quatrième édition de La Bible de Jérusalem.

Quand on parle de l’ÉBAF, on pense souvent à l’archéologie et à La Bible en ses Traditions. Aussi, je voudrais parler plus longuement de la Revue Biblique. C’est la revue de l’École, fondée par le Père Lagrange en 1892, qui publie des articles académiques et des comptes-rendus d’ouvrages. Il y a quatre numéros par an, ce qui fait 640 pages publiées chaque année. La Revue Biblique est l’une des revues les plus importantes dans son domaine d’expertise. 

Nous sommes très exigeants pour l’acceptation des articles que nous envoient des spécialistes du monde entier. La grande force de la Revue Biblique provient de la qualité et de la diversité de son contenu. Diversité, d’abord, au niveau des sujets traités : Ancien et Nouveau Testament ; Archéologie ; Épigraphie ; Orientalisme. Diversité, aussi, dans l’origine des auteurs : les articles peuvent être publiés dans cinq langues (français, anglais, allemand, italien et espagnol) ; les auteurs peuvent être catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, agnostiques ou athées, le plus important est la qualité de l’article.

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