PORTRAIT D’ENSEIGNANT : MARTIN STASZAK

Né à Berlin en 1959, frère Martin a grandi en observant la construction et la chute du mur. Son parcours académique et religieux débute en 1978 lorsqu’il entre dans l’Ordre Dominicains. Il commence ses études religieuses à l’Université de Fribourg en Suisse, où il obtient une licence en théologie et apprend le français. Sa soif de connaissance le mène sur la route de l’ÉBAF où il prépare une licence biblique. Son séjour en Terre sainte est marquant sur plusieurs plans : il se passionne pour l’antiquité biblique, l’akkadien, la tradition mésopotamienne … Et apprend auprès des grands noms de l’École qui font encore sa réputation aujourd’hui ! Il y fait également la connaissance de Raymond Westbook, juriste et historien du droit, mais également éminent assyriologue de l’Université hébraique, qui lui procure une bourse pour étudier l’assyriologie et le sumérien aux États-Unis. Le voilà à la Johns Hopkins University à Baltimore pour rédiger un mémoire (qui deviendra le sujet de sa thèse de doctorat) sur les villes refuges.

Dans les années 90, de retour dans sa province en Allemagne, il soutient sa thèse de doctorat. Fidèle à sa vocation de frère prêcheur, il accompagne des aumôneries étudiantes et des paroisses pendant douze ans. En parallèle, il entame la rédaction d’un livre sur les phrases interrogatives dans l’Ancien Testament. En septembre 2015, il devient prieur du Couvent Saint-Étienne.

En plus de sa charge de prieur, centrale à la vie de la communauté, frère Martin déploie une énergie sans fin dans ses multiples fonctions. Professeur ordinaire d’Ancien Testament, membre des comités d’archéologie et de la bibliothèque, président du comité des publications, il veille à la diffusion rigoureuse des recherches académiques de l’École. Cependant, il trouve le temps de prendre soin des abeilles du couvent saint Étienne, pour le plus grand bonheur des frères et étudiants. Il publie des articles et des recensions de livres. Spécialiste de la syntaxe hébraïque et araméenne, ainsi que de l’histoire biblique, il travaille actuellement sur un commentaire du premier livre de Samuel. Il cherche à mettre en lumière les différences entre les textes bibliques et les connaissances historiques contemporaines. Sa devise « Que veut dire le texte très exactement ? » est la ligne directrice pour atteindre une exégèse rigoureuse.

Frère Martin est fasciné par l’environnement international et multiculturel de Jérusalem et de la communauté du Couvent Saint-Étienne. Cette ville, avec ses complexités et ses tensions, est pour lui le lieu par excellence de l’étude biblique. Les paysages, les coutumes et la mentalité orientale offrent une perspective unique pour mieux comprendre les Écritures. Les sites archéologiques, en particulier en Galilée, le marquent particulièrement : voir les lieux où les événements bibliques ont eu lieu. 

Enfin, Fr. Martin souligne l’importance de la mission de l’ÉBAF : offrir aux chercheurs la possibilité d’étudier la Bible au pays de la Bible. Pour lui, être à Jérusalem, c’est être au cœur de l’histoire biblique, un privilège qui doit être partagé avec la communauté scientifique et religieuse internationale.

 

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : UN JÉSUITE CHEZ LES DOMINICAINS

Peux-tu te présenter ?

Je suis le père Andreas BERGMANN, s.j., originaire d’Allemagne. Depuis quinze ans, j’ai vécu et travaillé comme vicaire dans une paroisse jésuite d’environ 4000 personnes à Uppsala, une petite ville proche de Stockholm en Suède. Une de mes missions était d’enseigner dans nos facultés, notamment à l’Institut Newman. En terminant mon ministère paroissial, j’ai bénéficié d’une année sabbatique et j’ai envisagé plusieurs options : rester en Suède, retourner en Allemagne, ou explorer d’autres possibilités. Finalement, j’ai rencontré les dominicains à Lund, en Suède, qui m’ont simplement suggéré : « Pourquoi ne pas passer votre année sabbatique à Jérusalem ? » Ayant déjà séjourné à Jérusalem en 1997 et 1998 comme volontaire dans une maison pour enfants handicapés à Beit Jala — une expérience très positive que je garde en mémoire — j’ai pensé qu’il serait intéressant d’y revenir. Toujours passionné d’archéologie et de théologie, j’ai estimé que l’ÉBAF serait un excellent endroit pour étudier.

Comment vis-tu cette année d’étude sabbatique ?

Étant ici en sabbatique, je ne ressens ni besoin ni pression d’obtenir des crédits universitaires. J’ai donc choisi des sujets qui m’intéressaient vraiment et suivi divers cours et séminaires que j’ai beaucoup appréciés. Par exemple, un séminaire avec le frère Anthony sur l’Évangile de Luc, un cours donné par le père Boris, un autre jésuite, sur l’Évangile de Matthieu, ainsi que les excursions topographiques et voyages d’étude organisés par le frère Yunus à travers la Terre Sainte. Par ailleurs, j’ai décidé d’écrire un essai sur Paul intitulé « Paul entre hellénisme et judaïsme », en me concentrant sur ses premières lettres. Cela m’occupe pas mal. Nous avons également suivi un séminaire sur l’Évangile de Luc en grec, ainsi qu’un autre sur les Actes des Apôtres. C’est dans ce cadre que j’ai découvert un livre qui m’a intrigué, écrit par Pamela EISENBAUM, Paul Was Not a Christian, qui invite à comprendre Paul avant tout comme un Juif. Cela m’a poussé à approfondir cette question : Paul était-il plutôt juif ou hellénistique ?

Qu’est-ce qui t’a intéressé à l’ÉBAF ?

L’ÉBAF présente de nombreux atouts. L’un d’eux est le groupe d’étudiants ici, très talentueux, maîtrisant plusieurs langues et chacun spécialisé dans un domaine précis. C’est très inspirant de voir leur travail collaboratif et leur approche rigoureuse de leurs sujets. Je suis aussi très reconnaissant envers les professeurs, d’une compétence remarquable. Ensuite, je dirais que l’emplacement joue un rôle important, notamment pour l’archéologie, car l’École sert de base pour les recherches sur le terrain. Enfin, je mentionnerais le cadre même de l’ÉBAF, particulièrement la bibliothèque, qui favorise un travail d’étude approfondi. L’École est fascinante : je ne connais aucun autre lieu offrant de telles ressources. Notamment à Jérusalem, les possibilités d’approfondir la théologie juive sont nombreuses, ce qui était pour moi un domaine encore peu familier, mais dont j’ai progressivement saisi l’importance.

 

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.

 

Comment articules-tu raison et foi dans ce contexte ?

Étant jésuite, je dirais que l’approche ici — la manière d’interpréter les Écritures, de travailler les textes bibliques — illustre bien comment on peut concilier raison et foi. On n’est pas seulement capable d’expliquer le contexte historique et culturel des livres, mais aussi d’imaginer et de méditer tout ce qui touche aux textes bibliques. C’est un outil essentiel pour garder le cœur et l’esprit unis, même si cela reste un défi permanent. Cette méthode, souvent plus intellectuelle, est constamment entraînée pour percevoir la parole avec notre raison. C’est un aspect que j’ai particulièrement apprécié dans les cours. Beaucoup d’entre eux abordent aussi l’art, ce qui permet d’approcher les textes non seulement d’un point de vue intellectuel, mais aussi sensible et esthétique.

Que t’apprend ton séjour à Jérusalem sur la Terre sainte ?

Terre Sainte… Pour l’instant, elle ne paraît pas très sainte. Quand j’y suis venu la première fois, en 1997-1998, c’était entre la première et la seconde intifada, avec des attentats-suicides. Il y avait encore une certaine forme d’espoir qu’un développement pacifique soit possible. Ainsi, pendant mes premières années ici, je pensais bien connaître la situation, mais j’ai vite compris que c’était une grave erreur. Je ne m’attendais pas à ce que la situation devienne aussi désespérée, et elle n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Le mot « sainte » est donc difficile à appliquer au contexte actuel. Il existe différentes perceptions de la sainteté. La théologie orthodoxe juive, par exemple, n’est pas toujours facile à appréhender. Comme le patriarche Card. Pierbattista PIZZABALLA l’a dit : « Nous avons de l’espoir, mais pas de solution », une distinction bien formulée qui résume parfaitement la situation.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie.


Quelles sont tes principales expériences cette année ?

L’expérience de passer du temps à l’étranger, c’est surtout au retour chez soi qu’on réalise ce qui a changé dans sa vie. Pour l’instant, je dirais que les nombreuses expériences vécues à l’ÉBAF ont été incroyables, et je suis encore en train de déterminer lesquelles ont été les plus marquantes.

Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite venir à l’ÉBAF ?

Venez, simplement venez ! Ne ratez pas cette opportunité. Ne vous inquiétez pas de la situation. L’ÉBAF est un lieu sûr où vous pourrez rassurer votre famille et vos amis sur votre sécurité. C’est difficile à faire comprendre, surtout à Jérusalem, mais on y vit en toute sécurité. L’image que les médias donnent ne reflète pas fidèlement la réalité ici.

Un message pour nos donateurs ?

J’espère que vous apprécierez ce que vous soutenez ici. Votre aide ne se mesure pas en chiffres. Quiconque vient ici et reste un temps sera non seulement transformé personnellement, mais changera surtout sa perception de la Terre Sainte.

 

Original en anglais.

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : FR. JORGE-FRANCISCO VARGAS-CORVACHO

Je suis le frère Jorge, né à Ciudad de Mexico et, à l’âge de 19 ans, je suis entré dans l’Ordre des prêcheurs. J’ai suivi la formation normale : le noviciat, quatre ans de philosophie, six ans de théologie, avec une spécialisation biblique à Mexico. Dès l’enfance, j’avais eu un penchant pour l’histoire, la littérature et, pourquoi pas, la bible même. Je garde toujours comme relique le premier manuel que j’ai utilisé lors de mon premier cercle biblique à la paroisse, alors que j’étais encore un  adolescent. Une fois prêtre dominicain, j’ai travaillé pendant quelques années dans deux paroisses, l’une à la campagne et l’autre dans la grande ville de Mexico, puis j’ai eu l’occasion de faire des études complémentaires dans le domaine biblique et le meilleur endroit pour les faire était ici, dans notre couvent de Jérusalem. Et tiens ! J’ai été invité à rester ici − c’était l’époque du frère Guy TARDIVY, o.p. et du frère Marcel SIGRIST, o.p. – et j’y suis encore.

D’abord, le religieux que je suis a pour cadre de vie la vie du couvent, et je voudrais mentionner d’abord mes tâches communautaires, dont je suis fier, à commencer par celle qui m’a été confiée récemment : chroniqueur conventuel, sans oublier le service de la sacristie, c’est-à-dire le privilège de préparer les objets et les espaces liturgiques, et le fait même d’être en contact avec la liturgie et avec la communauté qui prie et célèbre, en permanence, 7 jours sur 7; je m’occupe aussi du grand orgue – qu’il soit en bon état et qu’il sonne les dimanches et certaines fêtes – en tant que sacristain je m’occupe aussi de l’accueil des groupes de pèlerins ou des fidèles qui demandent un service dans notre basilique.

Au niveau plus académique, j’assure le cours de langue ougaritique, en deux semestres, parfois appelée  “langue cananéenne”, qui s’avère un bel outil pour l’exégèse de l’Ancien Testament. Il s’agit d’un cours fort dans le sens que chaque année, il y a des étudiants internes et externes à le suivre. On ne l’arrête pas.   Deuxièmement, je voudrais mentionner que je fais partie de deux équipes : l’équipe de la Revue Biblique et l’équipe de la Bible en ses traditions. Et dans les deux, des défis inattendus se présentent et sont vraiment une occasion d’apprendre et d’être en formation permanente. Actuellement nous travaillons à la révision orthographique des noms propres de la Bible pour la traduction BibleArt, car le passage des milliers de noms de personnes et de lieux du latin du IVe siècle à la langue et à la culture françaises modernes n’est pas toujours évident. Comment Moshe devient Moïse, par exemple. Et ce travail peut se faire avec des critères différents, qui donneront des résultats très divers que l’on retrouve dans les différentes traductions de la Bible. Toujours pour le BEST, je viens d’avoir la joie de voir mon nom dans la nouvelle publication du livre de Jonas, en tant que collaborateur. Ce qui est vrai, bien sûr!

Je dirais qu’en général, mes inclinations sont plutôt philologiques, c’est-à-dire un goût pour le mot, la phrase en soi, et je pense que ce goût de la lettre est consacré et transfiguré lorsqu’il s’applique à l’Écriture Sainte. Passer “des mots, des paroles” à “la Parole, le Verbe”.  Affronter le texte biblique comme il est, mais pas seulement pour le lire ou le reproduire, mais aussi pour le comprendre au mieux de nos modestes possibilités, et pouvoir l’expliquer.

Il s’agit de deux questions. Les anciens auteurs spirituels disaient qu’il fallait préserver la clôture matérielle, c’est-à-dire le recueillement, et ne pas se laisser distraire et absorber par notre environnement. Ici, à Saint-Étienne, nous sommes protégés des événements par une triple enceinte physique: pierre (le mur), verdure (le jardin), pierre (le bâtiment). C’est un avantage si nous savons éviter les distractions, mais c’est un danger si cela nous fait oublier que nous sommes en Terre Sainte. Le défi est de nous laisser sanctifier non seulement par la Parole ou la liturgie quotidienne, mais aussi par cette Terre et, j’insiste, par ce temps si inquiétant que nous vivons. Et de contribuer par notre vie à la sainteté de cette Terre.

J’ai mes deux lieux de choix : pour mes études et mon apostolat, Santa Anna, parce que toutes les périodes archéologiques et plusieurs mystères de la foi s’y trouvent -y compris l’Évangile de Jean-, et parce que j’aime montrer ce lieu aux pèlerins. Deuxièmement, mon lieu de pèlerinage spirituel préféré est le tombeau de la Sainte Vierge Marie au Cédron ; je trouve qu’il m’est très facile d’y prier. Il y a moins de monde, dont j’aime contempler la dévotion, c’est plus calme à certaines heures de la journée, et j’aime imaginer que la première version du Saint-Sépulcre, au IVe siècle était comme celle-là.   Je vous remercie de votre attention.

 

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : D’ASSISTANT BEST À DOCTORANT

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Arthur, doctorant en égyptologie à la Sorbonne, après avoir fait 6 ans à l’ENS de Paris où j’ai étudié les lettres classiques, avec une spécialisation en linguistique indo-européennes puis en linguistique sémitique, en parallèle avec un master d’égyptologie à la Sorbonne.
Après quatre ans sur un poste d’enseignement à la Sorbonne mené en de front avec un travail d’archiviste à la bibliothèque d’égyptologie du Collège de France (Institut des Civilisations), j’ai cherché un cadre où passer ma cinquième et dernière année de thèse pour finir le travail de rédaction. Après mon agrégation, c’est dans cette perspective que j’ai postulé à la bourse de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres (AIBL) pour un séjour d’un an à l’ÉBAF.

 

Pourquoi as-tu choisi l’ÉBAF pour ta fin de thèse ?

J’avais déjà séjourné à l’École biblique quatre mois en 2020 en qualité d’assistant pour le programme de recherche la Bible en ses traditions. Ce furent quatre mois des plus intenses, très stimulants d’un point de vue intellectuel. En effet, les conditions de vie à l’Ébaf font qu’on peut se consacrer totalement à ses études. J’avais gardé de ce premier séjour le souvenir très positif d’une certaine effervescence intellectuelle, pas seulement liée à la quantité de livres lus à la bibliothèque, mais aussi aux rencontres de professeurs dont le covid m’a, à l’époque, malheureusement empêché de suivre les cours jusqu’au bout. Je pense également aux discussions de très haute volée intellectuelle à table ou dans la vie quotidienne avec des personnes, enseignants et chercheurs dont on partage la vie à l’École.

 

Quel est ton projet académique ?

Mon but cette fois-ci était avant tout de terminer ma thèse. Ces quatre années passées m’ont donné goût à la recherche et, malgré la faible quantité de postes comparé au nombre de doctorants et post-doctorants, j’aimerais faire mes preuves en enchainant sur un ou plusieurs post-doctorats sans doute à l’étranger. Cette année à l’Ébaf est différente de mon séjour comme assistant à la BEST. Je n’avais alors pas le même quotidien. Mes horaires de travail étaient fixés par le Fr. Olivier-Thomas VENARD, o.p., et une fois mes missions réalisées j’assistais à des cours. Retrouver après quatre ans des visages familiers, les offices en commun, les repas en communauté était assez réconfortant.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Voyage d’étude en Jordanie, à Petra.

 

Quelles sont les forces de l’ÉBAF selon toi ?

J’ai eu un vrai plaisir à retrouver la bibliothèque, extrêmement bien fournie. Quand j’étais assistant de la BEST, j’avais juste soumis mon projet de thèse et n’avais pas du tout les mêmes centres d’intérêt. Je me concentrai sur les études bibliques et le Proche-Orient ancien. Cette fois-ci, j’ai été très agréablement surpris en découvrant la richesse de la collection égyptologique de la bibliothèque fortement développée. Il y a assez peu de bibliothèques qui proposent une telle variété de sujets couvrant l’Antiquité. Il faut reconnaître le travail effectué par les frs.  Pawel TRZOPEK, o.p., puis Bernard NTAMAK-SONGUÉ, o.p. Concentré sur la bibliothèque, j’ai moins profité d’autres pôles, si ce n’est l’atelier d’épigraphie et paléographie du P. Émile PUECH, un endroit particulièrement fascinant où a lieu le cours de paléographie sémitique.

 

Comment articuler foi et raison dans un tel contexte ?

A l’exception de l’ENS, de mon travail au Collège de France et à la Sorbonne, j’ai plus longtemps étudié dans des cadres où foi et études étaient mêlées que l’inverse. Alors je me suis construit en tant qu’humain et chrétien comme quelqu’un qui associe intimement étudier et pratiquer sa foi. Quand on évolue dans un environnement laïc, c’est plus difficile de maintenir sa pratique : il faut davantage de volonté et demander plus d’aide à Dieu pour maintenir cette double-vie qui peut être étanche. Ici, au contraire, il n’y a pas d’opposition entre étude et foi. Chacune a la place de s’épanouir sans concurrence mais en nourrissant l’autre. C’est enthousiasmant et riche, humainement et spirituellement, de pouvoir concilier les deux sans être tiraillé. Mon étude des langues anciennes a, en partie, pour but de comprendre les textes bibliques. Il n’est pas indispensable de maîtriser cela pour avoir une foi solide comme le roc, mais mes connaissances en latin, grec et maintenant hébreu et araméen me permettent d’avoir un accès plus profond aux textes bibliques et à leurs contextes. Comme on le répète à l’Ébaf, il y a effectivement un lien entre le monument et le document, les textes ne sont pas sortis de nulle part. Le contexte en question est judéen, israélite, mais aussi cananéen, proche-oriental, égyptien car l’Égypte a administré le Levant pendant une longue période. La bible comporte des influences de ces zones et de ceux qui y ont régné. Une partie des textes fut même rédigée lors de l’exode à Babylone. En ce qui me concerne, certains textes sur lesquels je travaille trouvent un écho dans des textes bibliques. Par exemple, à l’intérieur d’un chant d’amour égyptien utilisé dans ma thèse, il y a des motifs qu’on retrouve dans le Cantiques des cantiques, une forme de transfert des rapports amoureux entre bien-aimés. Cela tord le cou à l’idée que retrouver les origines de la bible éloignerait de la foi. 

 

Dans ce contexte, que signifie Terre sainte pour toi ?

Cette terre est sainte au sens où elle est terre d’élection judéo-chrétienne. La sainteté n’appartient pas intrinsèquement à la terre, mais parce que Dieu a choisi de s’y révéler, d’abord à un peuple, puis à l’humanité tout entière en s’incarnant. C’est aussi une terre d’élection pour les musulmans : la tradition entourant leur Prophète dit qu’il aurait effectué un voyage nocturne à Jérusalem. Dans ces traditions religieuses, Dieu a choisi cette terre comme point de départ de sa révélation aux humains. (Re)venir à cette origine, c’est aussi essayer d’en retracer l’histoire : d’abord celle de la relation d’un peuple avec Dieu, puis la relation de l’humanité avec Dieu, via son fils, Dieu fait homme, qui fait le choix de s’incarner ici il y a 2 000 ans.

 

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Jeudi de l’ÉBAF d’Arthur, conférence en ligne sur notre chaîne YouTube.

Tes séjours ici ont-ils fait évoluer cette vision ?

Certainement. En quittant Jérusalem en 2020, j’ai eu l’intime conviction qu’il s’agirait d’un souvenir gravé éternellement dans ma mémoire. Là où cela change ma perspective, c’est que, honnêtement, j’étais assez peu réceptif à la notion de lieu saint : j’étais déjà allé à Rome, Assise… un certain nombre de sanctuaires et y étais peu sensible. Or, pour moi, à Jérusalem la sainteté des lieux prend tout son sens : Jésus a foulé, habité, donné sa vie et surtout est ressuscité en ces lieux. Lors de ma première visite au Saint Sépulcre, il s’est produit quelque chose en moi, un déclic, j’ai compris ce qu’est un lieu saint et ce que cette définition signifie. Pour moi, il n’y a qu’en Terre sainte que mon rapport aux lieux saints a quelque chose de différent.

 

Que dire à quelqu’un qui envisagerait de venir étudier à l’ÉBAF ?

Je l’avertirais au même titre que je l’encouragerais : à l’ÉBAF offre un certain cadre de vie comme qui favorise une forme d’ascèse : on ne vient pas à l’ÉBAF pour sortir tous les soirs, pour avoir une vie sociale comme à la maison. On vient ici pour se recentrer sur un objectif académique et personnel ; pour mener une double retraite : non seulement spirituelle -on vit au rythme des cloches d’un couvent, on peut participer aux différents offices, mais aussi intellectuelle car on acquiert des connaissance, on essaye de tirer le meilleur parti de cours exigeants et des ressources de la bibliothèque, on échange avec les membres de la communauté académique… Je dirais aussi que c’est une année hors du temps qui compte dans une vie sur le plan  spirituel et intellectuel. C’est une occasion unique à ne pas gâcher. La vie habituelle d’un chercheur c’est beaucoup de réunions , de discussions, d’événements et c’est très bien. Cependant, il y a très peu de moments pour se retirer et se nourrir intellectuellement de façon presque boulimique : c’est le sentiment que j’ai depuis mon arrivée, je n’ai jamais autant lu de livres ; n’en déplaise à mes quatre dernières années de doctorat. En somme, on vit ici une vie intellectuelle à la fois solitaire à la bibliothèque, mais très connectée lors des conversations et des événements organisés par l’ÉBAF, comme les sorties topographiques et les conférences du jeudi. Il faut s’avoir à quoi s’attendre, sur le caractère ascétique d’une telle année d’étude, mais en même temps c’est une occasion inégalable qu’il faut saisir à tout prix.

 

Que dirais-tu à d’éventuels donateurs ?

Dans un monde où la recherche gratuite -celle pour faire avancer la connaissance du monde qui nous entoure, des civilisations qui nous ont précédé, des êtres humains qui ont vécu avant nous- devient de moins en moins valorisée et où la reconnaissance manque, il faut justement défendre de telles possibilités. C’est ce que vous pouvez faire en soutenant l’Ébaf. Et s’il y a un endroit où l’argent est bien placé, au-delà de l’humanitaire et du caritatif, c’est ici dans la recherche. Les dons servent concrètement à créer un bienfait, au sens littéral et étymologique du terme.

 

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PORTRAIT D’ENSEIGNANT : FR. MARC LEROY

Je suis le frère Marc Leroy, dominicain de la Province de France. Je suis né en 1970. J’ai fait mon noviciat à Strasbourg, puis mes études de philosophie et de théologie à Lille et à Lyon. Durant ces années, j’ai beaucoup aimé les études bibliques.

Je suis arrivé au couvent Saint-Étienne / École biblique et archéologique française de Jérusalem en 2003 envoyé par ma province. Je devais rester trois années afin de passer les examens devant la Commission Biblique à Rome, puis revenir dans la Province de France comme professeur pour les jeunes frères du studentat dominicain. J’ai fait mon mémoire de tesina sur les prophètes mineurs. Les frères de l’époque m’ont demandé de rester à Jérusalem, j’étais d’accord et ma province aussi. Je suis donc assigné au couvent Saint-Étienne depuis 2006, date à laquelle j’ai commencé à y enseigner l’hébreu biblique et l’Ancien Testament.

La vie au couvent est très intense et je n’ai pas le temps de m’ennuyer. J’ai occupé de très nombreuses fonctions pour le couvent et pour l’École : 7 ans sous-prieur ; 7 ans vicaire ; 12 ans secrétaire des études ; 8 ans sacristain ; plusieurs années comme sous-chantre.

Actuellement, j’ai plusieurs activités : directeur de la Revue Biblique ; membre du comité éditorial du projet La Bible en ses Traditions ; j’ai crée un livre d’hommages au frère Étienne Nodet, o.p., décédé, avec 14 collaborateurs du monde entier, amis et disciples du frère Étienne. Matthieu RICHELLE, professeur à Louvain-la-Neuve, m’a aussi demandé de m’occuper de plusieurs livres bibliques des petits prophètes pour la quatrième édition de La Bible de Jérusalem.

Quand on parle de l’ÉBAF, on pense souvent à l’archéologie et à La Bible en ses Traditions. Aussi, je voudrais parler plus longuement de la Revue Biblique. C’est la revue de l’École, fondée par le Père Lagrange en 1892, qui publie des articles académiques et des comptes-rendus d’ouvrages. Il y a quatre numéros par an, ce qui fait 640 pages publiées chaque année. La Revue Biblique est l’une des revues les plus importantes dans son domaine d’expertise. 

Nous sommes très exigeants pour l’acceptation des articles que nous envoient des spécialistes du monde entier. La grande force de la Revue Biblique provient de la qualité et de la diversité de son contenu. Diversité, d’abord, au niveau des sujets traités : Ancien et Nouveau Testament ; Archéologie ; Épigraphie ; Orientalisme. Diversité, aussi, dans l’origine des auteurs : les articles peuvent être publiés dans cinq langues (français, anglais, allemand, italien et espagnol) ; les auteurs peuvent être catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, agnostiques ou athées, le plus important est la qualité de l’article.

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14 JUILLET 2025 À L’ÉBAF

14 juillet à Jérusalem : c’est l’occasion pour l’École biblique et archéologique de faire mémoire de ces pionniers venus de France qui eurent l’audace de fonder cette institution toujours bien vivante aujourd’hui.

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : LE FRÈRE DE LA CÔTE EST

Qui es-tu, frère Leo ?

Je suis le frère Leo CHECKAI, dominicain de la province de Saint Joseph (États-Unis). Actuellement doctorant à l’École biblique et archéologique française, j’ai enseigné pendant trois ans au niveau universitaire aux États-Unis, avant d’être envoyé par mes supérieurs pour suivre le parcours pontifical en Sciences bibliques. C’est un programme exigeant et de longue durée, conçu pour former en profondeur.

Avant cela, mes supérieurs ont voulu s’assurer que l’enseignement me convenait réellement. Ils m’ont donc envoyé à Providence College, où j’ai enseigné dans le département de théologie. J’y ai donné des cours d’introduction au Nouveau Testament, aux fondements de la théologie, à la pensée de saint Thomas d’Aquin, ainsi qu’un programme interdisciplinaire intitulé Development of Western Civilisation, qui combine théologie, philosophie, histoire et littérature.

Pourquoi avoir choisi l’ÉBAF ?

J’ai été attiré par l’ÉBAF pour la combinaison rare d’une recherche scientifique de haut niveau et d’un véritable esprit de piété. J’y prépare une thèse sur la Vetus Latina, la version latine ancienne (pré-vulgate) de l’Épître aux Hébreux. Là où l’Ordre m’enverra ensuite — aux États-Unis ou ailleurs — je transmettrai ce que j’y ai appris.

Qu’as-tu découvert en venant à l’ÉBAF ?

Ce qui est nouveau pour moi ici, ce sont les visites sur les sites bibliques de Terre sainte. Désormais, lorsque je lis la Bible, je me dis : « Ce lieu, je l’ai vu ! » — et cela transforme ma manière de lire les Écritures. Les remarques d’autres étudiants m’ont aussi permis de prendre conscience de ce qui me semble parfois naturel dans les écoles dominicaines. Ils sont impressionnés de voir les frères s’adonner à une critique scientifique rigoureuse des Écritures, puis se retrouver aussitôt à la chapelle pour prier la liturgie de ces mêmes textes. C’est une expérience qu’ils n’ont pas connue ailleurs. Pour moi, cela va de soi : c’est l’esprit des écoles dominicaines — tel que je l’ai connu aux États-Unis, à la Faculté pontificale de l’Immaculée Conception à Washington, et tel que je l’ai découvert ici, dans l’héritage du Père Lagrange.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Messe présidée par Fr. Leo dans le désert du Néguev.

 

Quels sont les forces de l’ÉBAF selon toi ?

Ce qui me frappe à l’ÉBAF, c’est l’engagement des frères dans la vie intellectuelle et leur volonté de cultiver une recherche de très haut niveau. L’école offre une certaine souplesse que l’on ne retrouve pas toujours dans les grandes institutions. À mon arrivée, j’avais un sujet de doctorat en tête, mais au fil du programme, j’ai découvert un thème bien plus adapté à mes intérêts. Dans une structure plus rigide, avec un parcours strictement balisé, je n’aurais peut-être pas eu cette liberté. Ici, grâce au dialogue avec les professeurs, j’ai pu réorienter mon travail vers une dissertation qui me convient parfaitement. J’ai une passion particulière pour les traditions latine et grecque des Écritures, ainsi que pour l’hébreu. Mon travail sur la Vetus Latina — l’ancienne traduction latine — consiste à comprendre comment ces textes latins interagissent avec les Écritures grecques. Il est impossible d’étudier sérieusement le vieux latin sans le confronter au grec. Tout ce que je fais consiste à explorer cette relation entre les deux traditions.

Comment articules-tu foi et raison ?

Comme beaucoup de dominicains, j’ai une grande confiance dans le fait que Dieu est l’auteur de toute vérité — qu’elle soit surnaturelle ou naturelle. Même si, à première vue, certaines vérités surnaturelles semblent difficilement conciliables avec les découvertes naturelles, je crois profondément qu’elles s’accordent au final. C’est cette certitude qui me donne une grande liberté : je n’ai aucune crainte à suivre les méthodes rigoureuses des sciences naturelles. Je suis convaincu qu’à terme, toutes les vérités, spirituelles et scientifiques, s’intègrent dans un même dessein harmonieux.

Que représente la Terre Sainte pour toi ?

Dans la tradition et la pensée de l’Église, il existe une notion de sacramentel qui dépasse les sept sacrements eux-mêmes. Il s’agit de réalités qui, par leur lien avec Dieu ou les choses saintes, deviennent des canaux de grâce. Par le simple fait que le Seigneur s’est incarné ici, qu’Il a vécu dans cette terre et qu’Il y a agi dans l’histoire de son peuple — dans l’arche vivante de son alliance — cette terre a été sanctifiée. C’est pourquoi nous l’appelons la Terre Sainte. Certes, dès les Pères de l’Église, certains ont raillé cette appellation en disant : « Elle sera sainte quand les gens arrêteront de s’y entretuer. » Pourtant, aucun péché, aucune violence ne peut empêcher la grâce de Dieu d’agir — en nous, sur nous, à travers nous. Même si les événements bibliques sont éloignés dans le temps, il demeure quelque chose de profondément sacré dans le fait de se trouver en ces lieux où ils se sont déroulés.

 

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. Cours de topographie au musée d’Israël, à Jérusalem.

 

Comment ton séjour à Jérusalem influence-t-il ta vie chrétienne ?

Dès mon arrivée, j’ai compris que Jérusalem est un lieu où les gens ont des conceptions très diverses de la manière dont Dieu doit être adoré. Même si les tensions peuvent parfois monter, ce que je remarque le plus souvent, c’est un profond respect entre ceux qui, même avec des pratiques différentes, cherchent sincèrement à honorer Dieu. Cela m’inspire énormément. Être témoin de cette ferveur me pousse à approfondir ma propre foi et à adorer Dieu avec encore plus de ferveur.

Que dirais-tu à quelqu’un qui souhaite étudier à l’ÉBAF ?

C’est une opportunité exceptionnelle. Mais il faut bien se préparer ! Assurez-vous de maîtriser vos langues bibliques avant d’arriver, et commencez à apprendre le français dès que possible. Attendez-vous à apprendre énormément — non seulement en cours, mais aussi en dehors des salles de classe.

Que dirais-tu aux donateurs de l’ÉBAF ?

Un immense merci. Sans vous, nous ne pourrions pas accomplir notre mission. C’est cela, être un ordre mendiant : notre travail, c’est l’étude, et l’étude ne génère pas de revenus. Si vous croyez en l’importance de notre recherche et de notre prédication, continuez à nous soutenir. Nous prions pour vous.

 

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CETTE ANNÉE À L’ÉBAF : UN MISSIONNAIRE DES SAINTS APÔTRES

Peux-tu te présenter ?

« Je suis le Père Joseph Théophile NGOUO, m.s.a, c’est-à-dire Missionnaire des Saints Apôtres. Je suis originaire de la région montagneuse de l’Ouest du Cameroun. Après mon mandat au conseil général de notre congrégation, dont j’étais responsable général de la formation, j’ai effectué un bref séjour dans mon pays, avant de prendre une année sabbatique à l’ÉBAF en pensant me reposer, mais surtout pour entreprendre de nouveaux projets. »

 

Pourquoi as-tu choisi l’ÉBAF ? 

Je trouve que c’est un lieu approprié pour vivre cette période sabbatique dans tout ce que cela comporte. A la fin de mon mandat au conseil général, Mgr. FRANCO MARTÍNEZ, évêque du diocèse de Ségovie (Espagne), avec qui j’avais beaucoup d’amitié, de confiance et d’estime, me l’avait vivement conseillé. L’ÉBAF, est un lieu pleinement spirituel (qui favorise la rencontre avec le Christ dans la prière, l’oraison, le silence ; de plus, c’est un lieu académique et donc intellectuel qui me permet de se mettre à jour et de bien se préparer avant de se lancer dans un nouveau projet de formation. C’est aussi un lieu de vie fraternelle et communautaire, ce qui est important pour un membre comme moi d’une société de vie apostolique que je sois dans un cadre comme celui-ci. C’est une dimension essentielle de notre société.

 

Quel est ton projet académique ?

Je me prépare à être formateur dans une de nos maisons d’étude au Cameroun et aussi dans la mesure du possible à intégrer le corps professoral de l’École Théologique Saint Cyprien de Ngoya (Yaoundé), affiliée au Teresianum de Rome.

 

Qu’as-tu découvert en venant à l’ÉBAF ?

Cela fait moins de deux mois que je suis ici, mais j’ai beaucoup appris. J’ai découvert l’un des sites les plus merveilleux que nous ayons dans l’Église et qui est dédié à St Étienne, c’est la première fois que je vois un lieu associé à la mémoire du protomartyr de notre Église. Il me semble que dans cette maison, nous avons aussi ses reliques et c’est une grâce pour moi d’y passer un séjour. C’est donc d’abord un lieu saint qui est en même temps un lieu de culte, de prière et un lieu de vie. Tout est réuni pour que je passe un séjour formidable. J’ai découvert aussi des personnes très accueillantes, ouvertes et de plusieurs nationalités ; ce qui me donne envie d’en apprendre plus sur eux.

 

Quelles sont les forces de l’ÉBAF selon toi ?

En premier lieu je dirais un projet très solide du fondateur de l’EBAF. Le père LAGRANGE était un homme de Dieu, qui avait une vision très profonde et moderne à la fois. Je crois que cette base est très importante et constitue, à mon avis, le roc ou le socle sur lequel l’École biblique est construite. Après cela, je peux dire que l’École a été prise en main par des personnes qui ont fait fructifier le projet initial à tous les niveaux : spirituellement, intellectuellement et humainement. Je crois que c’est cela qui fait la beauté de cette institution et sa renommée dans le monde après des décennies. Si l’EBAF continue à rayonner, particulièrement sur le plan de la formation intellectuelle, c’est parce qu’elle a des équipes de personnes très bien préparées pour assumer cette lourde responsabilité ; et des gens qui voient loin, qui continuent à incarner cette vision du père Lagrange. À l’EBAF, je passe beaucoup de temps dans un lieu assez unique au monde : la magnifique bibliothèque qui est pour moi la véritable carte postale de l’EBAF. Lorsqu’on entre dans cette bibliothèque, on comprend très vite pourquoi l’EBAF a un tel rayonnement. Je compte bien en profiter, tout comme la très belle basilique où je me rends chaque jour pour prier, adorer et demander l’intercession de saint Étienne, qui est vraiment présent dans cette institution.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. L’abbé Joseph-Théophile et ses camarades à Jérusalem.

 

Tu étudies sur un site archéologique et un lieu saint, que cela te fait-il ?

C’est très beau. J’ai appris grâce au projet du P. LAGRANGE, qu’il ne faut pas simplement avoir la tête dans les documents, et particulièrement la Bible qui est notre document de base dans les études théologiques et bibliques, mais qu’il faut aussi chercher à mieux la comprendre à partir d’une autre réalité qui est tout aussi importante : le monument. Il s’agit donc d’apprendre à s’ouvrir aux données du terrain que nous offrent les recherches archéologiques. Je constate aujourd’hui les lacunes de notre formation théologique effectuée sans ce support archéologique. Alors, je crois que je profite beaucoup sur ce site archéologique. Je solidifie mon socle avec les cours dont je bénéficie à l’École.

 

Comment concilies-tu foi et raison  ?

A la suite de saint Anselme de Canterbury, je professe Fides quaerens intellectum ; la foi en quête d’intelligence. Je suis dans ce cheminement car une foi qui n’est pas éclairée par l’intelligence peut devenir une foi aveugle et peut facilement tomber dans le fanatisme religieux qui a aujourd’hui de graves conséquences. C’est pourquoi, dans ma démarche de foi, j’essaie de mettre un peu de raison dans ce que je crois, sans pour autant tout mettre du côté de l’intelligence puisqu’elle est limitée. Mon intelligence est limitée, comme toute intelligence. Je suis donc conscient que je ne peux pas tout comprendre par l’intelligence. Et quand je ne comprends pas, je commence par un acte de foi. Mon intelligence éclaire ma foi et ma foi élève mon intelligence. Et comme disait aussi saint Augustin, je crois pour comprendre et je comprends pour mieux croire. C’est dans cette dynamique que je m’inscris.

 

Que signifie Terre sainte pour toi ?

Cela signifie beaucoup. La première chose, pour moi, c’est le lieu où tout a commencé, le berceau de la foi chrétienne. Tout ce qui est arrivé à Jésus à quelques pas d’ici est profond, émouvant. Toute sa vie publique s’est déroulée sur cette terre. Il est né à quelques kilomètres d’ici. Le mystère central de notre foi chrétienne, la passion, la mort et la résurrection du Christ, c’est dans cette ville que cela a eu lieu.
C’est émouvant de vivre tout cela. Mais, en même temps que je vis tout cela dans la joie et l’action de grâce, je le vis aussi dans une dramatique d’espérance : nous foulons la même terre que Jésus, nous pouvons marcher là où Il a marché, gravir les sentiers qu’il a lui-même parcourus. Pourtant, cette terre est malheureusement envahie et dévastée par une guerre absurde ; des gens qui souffrent au quotidien, des enfants qui n’ont plus de parents, des jeunes dont l’avenir est hypothéqué et des familles qui ne vivent que dans l’angoisse de la mort… alors quelle espérance pour la Terre sainte aujourd’hui ? Telle est ma prière parce que je suis tout de même conscient que c’est dans les moments les plus obscurs de la vie que Dieu est capable de faire jaillir un rayon de sa lumière. La guerre n’aura pas le dernier mot sur cette terre. Il y a des raisons d’espérer.

Photo : ÉBAF, Ordo Prædicatorum. L’abbé Joseph-Théophile et ses camarades à Jéricho.

 

Ton séjour à Jérusalem influence-t-il ta vision de la Terre sainte ?

J’inviterais les gens à venir à Jérusalem pour vivre la réalité. En effet, malgré les conflits, il y a une chose qu’on ne peut découvrir qu’ici, quelque chose qui demeure en ces murs. Et c’est très beau de découvrir cela ; c’est une sensation qui dépasse l’humain et c’est inexplicable. Au-delà de toutes nos sensibilités, au-delà de toutes nos différences et de tous ces bouleversements, la terre sainte a quelque chose de particulier. Les gens peuvent venir à Jérusalem et se laisser toucher par cela.

 

Que dirais-tu à quelqu’un intéressé à venir étudier à l’ÉBAF ?

Je dirais bienvenu ! En vérité j’encourage déjà des amis à faire un tour à l’ÉBAF dans le cadre de leur formation ou d’un séjour sabbatique. C’est un peu comme la rencontre de Jésus avec la samaritaine : quand vous avez vécu une expérience qui vous a marqué, vous allez la raconter autour de vous. À mon tour, je souhaite partager ce que je vis ici et encourager le plus de monde possible à étudier à l’école. 

 

Quel message adresserais-tu aux donateurs de l’ÉBAF ?

Je ne dirai qu’une chose : ils ne sont pas en train d’investir dans le vide. Ils investissent dans une mission concrète qui porte déjà du fruit aux bénéfices du monde entier. Ces gens des quatre coins du monde qui viennent à l’ÉBAF, c’est grâce à ces dons qu’ils peuvent se former pour le bénéfice de tous. Que Dieu multiplie au centuple leurs efforts et produise du fruit en abondance.

 

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