LE SEMESTRE SABBATIQUE DE DEUX PASSIONNÉS DE LA TERRE SAINTE

Rencontre avec Dr. Michaela Bauks et Wolfgang Hüllstrung, un couple de protestants allemands en semestre sabbatique à l’Ébaf jusqu’à Noël.

Elle, est professeur d’Ancien Testament et d’histoire des religions à l’Université de Coblence.
Lui, est pasteur de l’Église protestante d’Allemagne, chargé des relations judéo-chrétiennes ainsi que de la formation continue dans ce domaine pour les pasteurs. 

En 2019, Michaela avait déjà passé un mois sabbatique à l’Ébaf. Depuis, elle est collaboratrice du programme de recherche de la Best.
Wolfgang dédie son semestre sabbatique à un projet de recherche dans le cadre de Studium in Israel e.V., une association allemande organisant des séjours étudiants sur le judaïsme à Jérusalem. Son projet est focalisé sur la perception des Israéliens quant aux Chrétiens et au christianisme.

Wolfgang étant impliqué dans les relations entre l’Église protestante d’Allemagne et des institutions chrétiennes œuvrant en Terre sainte, il perçoit tout particulièrement l’impact de la guerre. Pour lui, depuis le 7 octobre, les événements ont renforcé la valeur d’une communication double auprès de ses interlocuteurs israéliens et palestiniens.

Pour ce semestre qu’elle dédie à la rédaction d’un commentaire exégétique des chapitres un à onze de la Genèse, Michaela a de nouveau choisi l’Ébaf et son “excellente bibliothèque”. Elle fera l’honneur d’une conférence aux Jeudis de L’Ébaf le 14 décembre sur La “chute” de Caïn, le mal inévitable dans l’histoire primordiale.

Ici, Michaela confie être impressionnée de rencontrer en personne les grandes références qu’elle a découvertes, étant jeune chercheuse quand elle était professeur d’Ancien Testament à l’Institut protestant de théologie. Et de citer Jean-Baptiste Humbert, Étienne Nodet, Émile Puech et Jean-Michel de Tarragon.

Les journées de la chercheuse en exégèse se déroulent en majorité dans la bibliothèque mais elle apprécie aussi être “encadrée par les laudes, les vêpres et les repas en communauté ainsi que les sorties avec les étudiants“. Si Michaela et Wolfgang sont restés malgré la guerre, c’est parce que l’Ébaf leur a offert un cadre serein et solidaire, et des temps de prière fervents.

En tant que protestants au cœur d’un couvent dominicain, Michaela et Wolfgang ont “à cœur de s’adapter sans se trahir” (Michaela). “Ici, s’est ouvert un portail plus intérieur sur le catholicisme, auprès de croyants authentiques et réfléchis.” (Wolfgang)

Pour Wolfgang, comme pour Michaela, la force de l’Ébaf réside dans “son grand projet : faire tenir deux mondes en harmonie ; la recherche scientifique d’excellence et la spiritualité chrétienne, dans un environnement pluriel avec étudiants, prêtres, chercheurs reconnus, jeunes et vieux moines…

De la bibliothèque aux conférences publiques, en passant par les longues discussions au réfectoire et les cinéclubs des étudiants, ils se mêlent à merveille à la vie de l’Ébaf qui sera désormais un passage obligé lors de leurs prochaines visites en Terre sainte.

Propos recueillis par Charlotte Desachy
Photo : Ébaf, Charlotte Desachy

ÉTUDIER L’ÉCRITURE EN TEMPS DE GUERRE ?

Dr. Nina Heereman, Beatriz de Isasi, le père Otabela et Dominic Mendonca, o.p., (de gauche à droite) ont vécu le choc de la guerre depuis l’Ébaf.

Pourquoi êtes-vous à l’Ébaf depuis début octobre ?

Nina : Je suis une ancienne élève de l’École, où j’ai soutenu ma thèse en 2017 sur le Cantique des Cantiques. Après avoir enseigné cinq ans au séminaire saint Patrick à San Francisco, je reviens à l’Ébaf en année sabbatique, que je consacre à l’écriture d’un commentaire sur les livres de Ruth et Esther pour la série Catholic Commentary on Sacred Scriptures.

Beatriz : Je voulais pratiquer le latin concrètement après trois ans en lettres classiques à l’ENS. Je participe au programme de recherches de La Bible en Ses Traditions qui s’apprête à proposer une nouvelle traduction de la Bible sous la forme d’une application, Bibleart.com.

Père Otabela : Ce séjour est comme une « retraite intellectuelle » et spirituelle. Je suis ici pour préparer la publication de ma thèse soutenue en 2022 à la KU Leuven sur le livre de l’Exode et écrire quelques articles d’exégèse biblique en profitant de la riche bibliothèque de l’Ébaf.

Fr. Dominic : Je suis professeur à l’Ébaf depuis 2014. Cette année, je donne un cours sur les évangiles de Jean et Marc. Je viens de la province d’Inde, ainsi une partie de mon apostolat de prêtre est auprès de la communauté chrétienne indienne de Terre sainte.

Quel écho les évènements du 7 octobre ont-ils eu pour vous ?

Nina : Il m’a fallu quelques jours pour réaliser. En voyant les Palestiniens qui travaillent ici s’inquiéter, j’ai commencé à comprendre.

Beatriz : Sur le coup j’étais hébétée, sans rien pouvoir imaginer de la suite. J’ai été saisie d’effroi à la vue des images, et prise d’une grande tristesse face à la laideur du mal.

Fr. Dominic : Deux jours après mon retour à Jérusalem, la guerre a éclaté. Le nombre grandissant de massacres d’innocents a suscité en moi de la colère, puis de la compassion et enfin une prière suppliant que la guerre ne se transforme en conflit mondial.

Quel impact la guerre a-t-elle eue sur votre quotidien à l’Ébaf ?

Père Otabela : Je consulte un peu plus les informations pour comprendre la situation.  Heureusement, on peut prier ardemment ici, en Terre Sainte, pour demander la paix. Au départ, mes proches me suggéraient de rentrer. Je crois qu’ils ont compris que nous ne sommes pas sous les bombes à Jérusalem. En effet, à l’Ébaf, on se sent en confiance. Les frères qui sont présents depuis longtemps nous aident à  contextualiser la situation. Tous, volontaires, étudiants, chercheurs, professeurs, ont la volonté de faire famille. Peut-être que le contexte actuel nous soude un peu plus. J’apprécie énormément la simplicité des rapports, qui permet de toucher du doigt les acteurs de la recherche qui a lieu ici.

Beatriz : Je n’ai pas peur pour moi. Je sens qu’on vit une transition historique et l’Espérance est éprouvée. Je vis cette guerre comme une expérience spirituelle qui exige de cultiver la prière et de croire en la force de cette dernière. Finalement, la vie de pèlerin prend un autre tour, plus intérieur.

Fr. Dominic : L’assemblée de la communauté indienne de Tel Aviv pour laquelle j’ai célébré six fois la messe depuis le 7 octobre a grossi, terrifiée par la situation. Toutes ces personnes travaillent pour des familles juives. En prêchant, mon rôle était de leur rappeler que nous ne sommes pas là pour prendre parti, mais pour prier pour la paix et la sécurité de chacun.

Nina : On ne sort plus en soirée, ce qui accorde plus de temps pour prier. Tous les soirs, le chapelet avec les frères est très beau. Prier pour une guerre qui nous entoure rend l’Évangile vivant. On se rencentre sur l’essentiel : préserver la paix de son cœur pour qu’il demeure un canal de transmission de la paix que le Christ ressuscité a communiqué il y a 2000 ans, au Cénacle, à 1 km d’ici.

Propos recueillis par ChD
Photo : ChD, Ébaf

TRADUIRE LA BIBLE À L’ÉCOLE DE SAINT JÉRÔME, ENTRE SCIENCE, ART ET PIÉTÉ

Jeudi 16 novembre, les Jeudis de l’Ébaf donnaient la parole à frère Olivier-Thomas Venard, o.p., professeur ordinaire à l’Ébaf et directeur du programme de recherches La Bible en Ses Traditions, pour une conférence centrée sur le travail de traduction du Verbe divin.

Retrouvez l’intégralité de la conférence en replay sur YouTube

Michaela Baüks et Mgr Ilario Antoniazzi

L’évènement, introduit par le nouveau directeur, a attiré plusieurs fidèles des Jeudis de l’Ébaf, dont son Excellence Monseigneur Dr. Giacinto-Boulos Marcuzzo, évêque titulaire d’Emmaüs et évêque auxiliaire émérite de Jérusalem et Mgr Ilario Antoniazzi, archevêque de Tunis. On comptait aussi Dr. Michaela Baüks, membre de la Best, ainsi que Dr. Nina Heereman, toutes deux en séjour sabbatique.

Avec l’application Bibleart.com – que vous pouvez d’ores-et-déjà télécharger – la Bible en Ses Traditions s’apprête à offrir au public une première traduction française de la Bible latine du Ve siècle qui a inspiré toute la culture occidentale. Cette conférence présente quelques découvertes et plusieurs leçons importantes apprises par les auteurs de cette traduction au long des années qu’ils ont passées en compagnie de saint Jérôme de Stridon, génial auteur de la Vulgate.

Il nous faut parler le français dans toute sa gamme.” Frère Oliver-Thomas Venard

Frère Olivier-Thomas Venard et Christophe Rico

S’inscrivant dans la lignée de saint Jérôme, La Bible en Ses Traditions entend faire résonner le langage divin dans tout son mystère. Ainsi, a rappelé frère Olivier-Thomas Venard, traduire le texte biblique relève d’un exercice de langue, qui prône un “français biblique”. Pour cela, programme de recherche s’appuie notamment sur les travaux du linguiste Christophe Rico, professeur ordinaire à l’EBAF et docteur en linguistique grecque, mis à l’honneur pendant la conférence.

Nina Heereman et frère Lukasz Popko

XXX, frère Olivier Poquillon, Mgr Giacinto-Boulos Marcuzzo

Retrouvez la bibliographie complète de la conférence ici

DIES ACADEMICUS 2023-2024

Depuis une dizaine d’années, le Studium Biblicum Franciscanum (SBF) et l’Ébaf organisent ensemble l’inauguration de leur année académique lors d’un Dies Academicus. Mercredi 8 novembre 2023, ce rendez-vous, dédié à la présentation des activités de l’année écoulée ainsi qu’une conférence, était donné à la Custodie.

Sa Béatitude Theophilos III, le patriarche grec orthodoxe, a fait l’honneur de sa présence aux deux institutions. Une première pour le Dies Academicus !

Photo : Custodie de Terre Sainte

Dans son mot d’accueil, frère Rosario Pierre, doyen du Studium Biblicum Franciscanum, a souligné combien la proposition académique des deux institutions était unique et précieuse pour l’études des Écritures. Chacune est garante d’un patrimoine biblique littéraire incroyable et d’une animation intellectuelle très précieuse.

 

Frère Olivier Poquillon, o.p., fraîchement arrivé à Jérusalem après un mois à Rome comme porte-parole pour la France au synode, a voulu rendre hommage au travail réalisé par son prédécesseur, frère Jean-Jacques Pérennès, o.p.. Après deux mandats de quatre ans comme directeur de l’Ébaf, ce dernier a légué un plan stratégique de long terme, incluant la création de deux chaires – une en archéologie et une en théologie biblique – et le renforcement du corps enseignant. À cet égard, frère Olivier Poquillon, o.p., a remercié Yunus Demirci, o.f.cap., responsable du cours de topographie depuis 2022, avant de louer la collaboration vieille de huit siècles, entre franciscains et dominicains.

Il s’agit d’une synergie qui ne peut que continuer à porter des fruits précieux. Malgré le conflit, nous devons poursuivre notre mission : les enseignants-chercheurs et les étudiants sont appelés à partager et à transmettre le fruit des études et des travaux scientifiques qui sont menés ici.

Photo : Custodie de Terre Sainte

La conférence inaugurale donnée par le professeur Ofer Sion, archéologue de l’autorité des antiquités d’Israël, portait sur “Les colonies du Néguev à l’époque byzantine et l’arrière-pays agricole environnant”. Le professeur Ofer Sion a partagé ses récentes analyses archéologiques qui donneront lieu à la publication d’un ouvrage au sein de la Collectio Maior du SBF.

L’Ébaf se réjouit d’accueillir l’édition 2024-2025 comme le veut la tradition…

 

Lire l’article de la Custodie
Regarder le reportage du Christian Media Center

Photos : Ébaf, ChD

LE NOUVEAU DIRECTEUR EST BIEN ARRIVÉ !

Frère Olivier Poquillon, op, a posé ses bagages ce vendredi 4 novembre au couvent Saint-Étienne après sa mission de chargé de communication pour la France lors du synode qui s’est tenu à Rome du 4 au 29 octobre 2023.

Toute l’École et le couvent lui souhaitent la bienvenue !

À peine arrivé, son mot d’ordre est immersion : le voilà déjà en “auditeur libre” au milieu des étudiants du cours de topographie donné par Yunus Demirci ce mardi, à la cité de David et à Sainte-Anne.

OUVERTURE DES JEUDIS DE L’ÉBAF

Le cycle de conférences des Jeudis de l’Ébaf s’est ouvert ce jeudi 2 novembre dans la nouvelle salle de conférence de l’École avec le père Luca Mazzinghi. La conférence avait également lieu en direct sur YouTube, une première pour l’École biblique !

Docteur en exégèse biblique de l’Institut Pontifical Biblique et enseignant à l’Université Grégorienne de Rome en théologie biblique, Luca Mazzinghi est en séjour dans notre bibliothèque du 3 octobre au 29 novembre, pour nourrir son prochain ouvrage sur le livre des Proverbes.

Sa première rencontre avec l’École Biblique et Archéologique ne date pas d’hier. En 1982, tandis qu’il est à Notre-Dame avec d’autres séminaristes, il récupère en catimini, en plein milieu d’un dîner, raconte-il en souriant, les papiers pour s’inscrire à l’Ébaf. Il a 22 ans et sait qu’il reviendra.

En 1988-1989, effectivement, puis lors de deux autres séjours en 1990 et 1992, il écrit sa thèse de doctorat “Notte di paura e di luce” (exégèse de Sg 17,1 – 18,4) dans les murs de l’École biblique et Archéologique française.

Aujourd’hui, il est membre de la Pontificia Academia Theologica et président de la Societa Biblica Italiana, la section italienne de la Bible Society, et a présidé l’Association Biblique italienne en 2010, 2014 et 2018.

Ce fut un honneur pour les Jeudis de l’Ébaf de l’accueillir pour leur première conférence de l’année. Le père Luca Mazzinghi a consacré cette conférence à l’analyse des versets 16 et 17 du chapitre 15 du livre des Proverbes. Malgré la réservation de la conférence physique aux membres de l’École, la conférence a rencontré un écho très favorable et donné lieu à des échanges féconds à partir des questions généreuses du public.

Retrouvez l’enregistrement de la conférence sur notre chaîne YouTube.

Si vous souhaitez suivre les prochaines conférences en direct sur YouTube, écrivez-nous à communication@ebaf.edu

PROCHAINE CONFÉRENCE :

Les Jeudis de l’Ébaf : Traduire la Bible entre science, art et piété avec fr. Olivier-Thomas Venard, op

L’ÉBAF AU COLLOQUE ANNUEL DE L’UNIVERSITÉ DE LUBLIN

Le 25 et 26 octobre, se tenait la conférence annuelle de l’Institut d’Études Bibliques de l’Université catholique Jean-Paul II de Lublin, Biblia Benedicti.

Ce colloque international, organisé par Adam Kubiś, ancien doctorant de l’Ébaf, portait sur l’héritage herméneutique et exégétique de Joseph Ratzinger, avec comme propos central le rapprochement entre l’exégèse et la théologie, une ambition partagée par l’École. Frère Anthony Giambrone, op, nombre d’anciens doctorants et d’amis de l’Ébaf, tels que Gary Anderson, Ludger Schwienhorst-Schönberger et Henryk Drawnel, faisaient partie des orateurs de cette rencontre ouverte par le directeur de l’Institut d’Études Bibliques de l’Université de Lublin, Mirosław S. Wróbel, lui-même ayant réalisé son doctorat à l’Ébaf.

Les fondements de la théologie biblique du cardinal Ratzinger partent de la distinction existant entre la révélation et les Écritures : le Christ accomplit la révélation, l’Écriture est un témoin privilégié de la révélation. Lire les Écritures ne suffit pas à accéder à la révélation qui ne peut se passer d’exégèse qui convienne à la révélation. Toute sa vie, Joseph Ratzinger a voulu pratiquer une exégèse adaptée à la révélation, telle que l’a proposé le Concile dans la constitution Dei Verbum, paragraphe 12. D’une part, elle doit être historico-critique et, d’autre part, théologique. D’autre part, elle est ordonnée autour de trois critères herméneutiques : l’unité des Écritures, la tradition, l’analogie de la foi. Matteo Crimella, doctorant de l’École en 2009, a analysé la pratique de ces critères et les défis qu’ils posent dans la trilogie Jésus de Nazareth de Ratzinger.

Le critère d’unité des Écritures fait le cœur de la christologie des pères de l’Église selon Ratzinger. Pour lui, sans unité entre l’ancien et le nouveau testament, la théologie manque sa base. Il a ainsi lancé un appel fort à redécouvrir la lecture christologique de l’ancien testament, ce qui faisait l’objet de l’intervention de Nina Heereman, ancienne doctorante de l’Ébaf (2017). Elle a notamment rappelé que toute la théologie de l’Église naissante était fondée sur une lecture herméneutique pneumatologique de l’ancien testament : “Saint Paul dans la deuxième lettre aux Corinthiens, chapitre 30 versets 4 à 18, fait comprendre que l’esprit du Seigneur ressuscité nous livre le sens profond de l’ancien testament.

Quant à la lecture théologique dans la tradition, le fameux exégète américain converti, Scott Hahn a démontré que la liturgie était le lieu primordial des Saintes Écritures. Dans l’Eucharistie, où les chrétiens consomment le corps du Christ, s’accomplit la parole.

Enfin, pour que la révélation soit, il faut un récepteur. Avec Ratzinger, le sujet de la révélation devient celui qui la transmet. Ainsi, l’Église participe à la révélation. Se pose alors la question de l’inspiration. Le frère Anthony Giambrone, op, a abordé cette question difficile. En se référant à Saint Thomas et au Moyen Âge, il a pu démontrer que la notion d’inspiration de Ratzinger, qui inclut le sujet, ne doit pas, comme on le prétend souvent, être attribuée uniquement à Saint Bonaventure, mais qu’elle trouve ses racines profondes dans la théologie médiévale et est également présente dans les écrits tardifs du père Benoît sur l’inspiration. Ludger Schwienhorst-Schönberger, a précisé les conditions du passage de la lettre morte à l’inspiration dans le cœur du lecteur : la pratique de la foi et des sacrements, le silence et la prière.

Propos de Nina Heereman recueillis par ChD

L’INTÉRIM BOULEVERSÉ DU FRÈRE ANTHONY

Le Frère Giambrone, directeur par interim du 2 octobre au 3 novembre, a piloté une rentrée 2023 au déroulement assuré en dépit de circonstances éprouvantes.

Sphinx hiératique ou aigle majestueux ? Il y a du mystère dans cette figure que beaucoup admirent. L’éclat d’un regard sombre, un chef noir de geai, un profil sigillaire : chez cet homme-là, il y a du Carlo Maria Giulini – le maestro italien. Les Giambrone ne sont-ils pas italo-américains ? Le grand-père débarqua en Normandie. Avec une mère montréalaise, frère Anthony est un Américain de l’Est très international et parfait polyglotte. Pourtant, il le reconnait, il vécut une double expatriation. En effet, « l’École biblique est un ilot français dans un pays compliqué » …

Malgré un naturel discret et confiant, il témoigne franchement : « Si j’avais un conseil à donner ? Ne jamais accepter d’être directeur par intérim pendant une guerre ! ». Sa responsabilité fut d’assurer la vie académique de l’école, en libérant chacun des considérations sécuritaires pour permettre le travail de tous. Mission accomplie pour un jeune directeur doté d’une impavide force tranquille.
Ce fils de l’Ohio évoque encore avec émotion son arrivée des États-Unis en février 2016. Depuis, il nourrit ses innombrables travaux en exégèse biblique du genius loci de la Terre sainte. Très vite, après sa soutenance de thèse, son provincial l’appelle et lui apprend son assignation à Jérusalem par le Maître de l’Ordre. « Surprise quasi totale, confie-t-il, mais, pour un bibliste, c’est un honneur, un privilège. En outre, j’ai une dévotion profonde pour le Père Lagrange alors je suis extrêmement reconnaissant envers Dieu. »

Sa vocation de chercheur, « vocation dans la vocation », insiste-il, se dessine alors qu’il rejoint les dominicains en 2003, après avoir étudié comme séminariste pour le diocèse de Cincinnati. D’un air espiègle, il explique son chemin jusqu’à la théologie biblique grâce à une « histoire drôle ». Pendant son studium dominicain, le premier cours est donné par un « dominicain robuste, juif russe converti, vétéran du Vietnam, un monstre intellectuel de Harvard ». À la lecture de son premier travail, ce dernier veut le voir. Frère Anthony se souvient : « J’étais terrifié ». Verdict ? Il choisira Anthony pour successeur et l’enverra faire des études bibliques. « La seule chose que je devais faire : ne pas dire non. Ce n’était pas mon choix, mais je l’ai embrassé. »
La suite de l’histoire est ponctuée par une licence canonique de théologie en langues sémitiques, puis en science biblique, un doctorat, « Christianity and judaism in antiquity ». Couronné du prix Alexander von Humboldt Fellow de la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich, il est l’auteur et de nombreuses publications, dont la dernière : The Bible and the Priesthood: Priestly Participation in the One Sacrifice for Sins, Grand Rapids, MI, Baker Academic (2022). 

Dans une autre vie, il aurait sans doute été franciscain du Bronx, ou se serait passionné pour Dante, l’italien et la littérature. Aujourd’hui il confie qu’il rêve d’une vie en trois actes : académique à l’École biblique, missionnaire demain, et chapelain de moniales un jour…

Charlotte Desachy, chargée de communication, et Benoît Vandeputte, o.p.