Notice nécrologique de Paul-Eugène Dion

Paul-Eugène Dion, fils unique d’Omer Dion et Cécile Rouleau, est né à Québec le 28 septembre 1934.

Après des études secondaires au petit séminaire, il a rejoint l’ordre Dominicain, fait ses études à la maison d’études dominicaine à Ottawa, avant d’être ordonné prêtre en 1959. En 1961 il est envoyé à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, où il a bénéficie de l’enseignement des pères Roland de Vaux, Pierre Benoît, et de leurs savants collègues. Il peut également visiter la Jordanie, Israël, le Liban, la Syrie et la Turquie.

En 1963, Paul est retourné à son Université d’Ottawa, où il a enseigné les matières bibliques et archéologiques. En 1970, il a été autorisé à étudier à l’université de Toronto et a obtenu un doctorat en Études du Proche Orient (1973), avec une thèse sur un dialecte d’Araméen ancien. En 1980, après avoir enseigné quelques années supplémentaires à Ottawa, Paul Dion est retourné à son ancien département à l’Université de Toronto, pour y enseigner l’histoire ancienne d’Israël et diriger des séminaires sur le Deutéronome, le Second Isaïe et le livre de Job.

En 1982, Paul épouse l’archéologue Michèle Daviau, dont la carrière d’antiquités de Jordanie allait bientôt démarrer, alors qu’il se consacrait lui-même à diverses recherches et publications sur l’Ancien Testament, les Araméens et les autres nations entourant l’ancien Israël, recherches dont le point culminant a été son ouvrage Les Araméens à l’âge du fer (Collection Etudes bibliques, Gabalda, 1997).

A sa retraite, en l’an 2000, Paul a déménagé à Waterloo, Ontario, tout en gardant un grand intérêt pour le Proche Orient ancien, en particulier la Syrie et la Jordanie.

Malheureusement, en 2004, divers problèmes de santé ont rapidement mis fin à ses recherches universitaires. Avec son épouse Michèle, toujours très active, il a profité de la paix de Luther Village, sur le Park, au cœur de Waterloo. Paul-Eugène Dion nous a quitté paisiblement le 3 août 2019. Nous saluons sa mémoire.



La photothèque, trésor de l’École biblique

Le fr. Jean-Michel de Tarragon est en charge de la photothèque depuis de nombreuses années : le travail est colossal. Il est à l’École biblique depuis 1980, et fut membre et photographe de beaucoup d’expéditions archéologiques. Ce texte est tiré du livre Jérusalem et la Palestine, réalisé sous la direction d’Elias Sanbar, à partir du fonds photographique de l’École biblique, chez Hazan. En savoir plus sur notre photothèque.

Le fonds photographique ancien des dominicains de Jérusalem se trouve au Couvent Saint-Étienne, Protomartyr de Jérusalem, lequel abrite l’École biblique et archéologique française. Juridiquement, il appartient au couvent, donc à la communauté dominicaine, et ultimement, à l’ordre des Prêcheurs.

L’École biblique est un petit institut de recherche, fondé par le père M.-J. Lagrange en 1890 dans les locaux d’une propriété acquise huit ans plus tôt par un groupe de religieux français, à trois cents mètres au nord de la muraille de Jérusalem. Le modèle était à l’époque l’École Pratique des Hautes études de la Sorbonne, d’où lpremier nom de l’institut, École pratique d’études bibliques. Selon l’intuition de son fondateur, l’aspect pratique de la recherche est mis en avant : il s’agit d’étudier la Bible en son contexte, sur place, pour tenir compte de tout l’environnement oriental. Dans le programme annuel des études, la jeune École inclut la découverte des pays de la Bible par le moyen d’excursions régulières, regroupant les étudiants et quelques professeurs. La visite systématique du “terrain” commence bien sûr par la ville même de Jérusalem soigneusement examinée année après année puis de tout le pays biblique, en cercles concentriques.

Le père Séjourné lors d’une excursion © École biblique

À l’époque de la fondation, les frontières n’étant pas aussi contraignantes qu’elles le sont devenues, la “caravane biblique” – ainsi la surnommait-on -, se rendait à cheval ou à dos de chameau en Transjordanie, dans le Hauran, dans les environs de Damas, à Palmyre ou vers le sud, au Naqab, et jusqu’au Sinaï. Ces excursions tenaient lieu de cours. Les professeurs dominicains initiaient les étudiants à la pratique de l’épigraphie, de l’archéologie, de la géographie historique, voire de la géologie. La caravane jubilait lorsqu’elle découvrait par hasard un milliaire romain inédit, une stèle qu’un fella venait montrer, un tombeau au flanc d’une falaise, un fragment de mosaïque : c’était l’occasion de faire, dans l’enthousiasme, des estampages, de dessiner, mesurer, calquer, décrire succinctement – et bien sûr, photographier.

C’est dans ce contexte précis que la pratique photographique de l’École biblique s’est développée. Si elle est restée celle d’autodidactes pour ce qui est de la technique, elle fut, pour les thématiques abordées, celle de professeurs chevronnés, bien au fait de leurs disciplines respectives. Cela donne une coloration toute particulière à ces photographies prises par ou pour des “savants”, et non, comme cela se faisait tant à l’époque, pour l’illustration plus ou moins «  romantique » des thèmes de l’Histoire sainte.

Les photographies ont été faites pour témoigner de la découverte de tel ou tel objet, de l’étude en cours, de la véracité d’un déchiffrement épigraphique, etc. Dans une perspective un peu positiviste, la photo est alors perçue comme une preuve objective complétant le relevé, le dessin. Elle est mise au même niveau que l’estampage, autre preuve indubitable. Certes la dimension artistique apparaît dans ces œuvres, mais comme involontairement : la qualité du regard du religieux photographe, sa culture générale (y compris iconographique), sa sensibilité, y sont pour beaucoup.

La photothèque dans le Couvent Saint-Étienne © École biblique

La clef d’interprétation de la collection est à trouver du côté des publications, effectives ou envisagées. Les photographies sont l’illustration des recherches des dominicains, lesquelles se transmettaient dans des monographies ou dans les articles du périodique scientifique de la maison, la Revue biblique fondée dès 1892, deux ans après le lancement si modeste et si périlleux de l’École elle-même. Les articles sont illustrés de photographies et d’estampages, et aussi, bien sûr, de relevés, de dessins et de croquis, réalisés par les auteurs ou délégués par ceux-ci au plus doué, surtout le père Hugues Vincent. Une belle répartition des tâches se met tout de suite en place, selon les capacités et les goûts des religieux. L’École biblique était animée d’un joyeux esprit d’équipe, sur le terrain comme à la maison. Le père Vincent fait les relevés, les croquis, les dessins, les coupes stratigraphiques ; il se charge aussi souvent des estampages, bien que tous sachent estamper. Paul-Marie Séjourné, puis Bernard Carrière, Antonin Jaussen et Raphaël Savignac, notamment, photographient, avec en parallèle à Savignac vieillissant, Raphaël Tonneau puis, à partir de 1935-1936, Pierre Benoit, et Roland de Vaux.

Les pères dominicains ne signaient guère leurs photos et ne les dataient pas plus puisqu’elles n’étaient destinées qu’aux publications en cours. D’où le casse-tête de l’archiviste aujourd’hui !



Liste des sites

Liste des sites

Dès sa fondation en 1890, l’École biblique est contemporaine des premières fouilles archéologiques en Palestine. Elle a assisté au développement des programmes scientifiques et à l’élaboration des disciplines de recherche sur le terrain. Le P. Marie-Joseph Lagrange, le fondateur qui a voulu lire la Bible dans le pays qui l’avait vu naître, avait conçu sa méthode de critique historique en posant le Texte sur le contexte archéologique, et plus largement avec l’orientalisme comme arrière-fond. Sa première préoccupation fut de découvrir le pays pour le mieux comprendre. Lagrange inaugura les explorations qui furent une des spécialités de l’École pendant cinquante ans (1890 – 1940).

Dans l’ordre chronologique, on doit mentionner, de la part des pionniers que furent Lagrange, Séjourné, puis Jaussen et Savignac, accompagnés des jeunes Vincent et Abel. Les voyages d’exploration faits avec les étudiants, les « caravanes bibliques », étaient toujours l’occasion d’une moisson archéologique et épigraphique soigneusement reportée dans la Revue biblique.

Les explorations :

1885-1892, fouilles du terrain de l’École biblique, pour la mise au jour des vestiges de la basilique byzantine d’Eudocie, en vue de sa restauration
1892, Mâdabâ, prospection archéologique et épigraphique
1893 puis 1896, Sinaï, exploration archéologique et épigraphique
1894, Masada, exploration topographique
1894, Transjordanie et Sud-Liban, prospection épigraphique
1895, Vallée du Jourdain, prospection archéologique et épigraphique
1896 puis 1898, Pétra, exploration archéologique et épigraphique, en lien avec l’Académie des Inscriptions et belles-lettres, Paris
1898, Hauran, prospection et relevés épigraphiques
1897, Mâdabâ, examen de la Carte de Mâdabâ, relevé, dessin colorisé et publication. Plusieurs séjours à Mâdabâ dans les années qui suivent, à dimension ethnographique
1898, Feinan (Punon, Phounon), découverte ; prospection et relevés épigraphiques
1899, Tell Gezer, détermination du plan et des limites, à la demande de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres
1900, Philistie, prospection archéologique et épigraphique
1904, ‘Abdeh du Negeb (‘Oboda/‘Avdat), prospection archéologique et épigraphique, en lien avec l’Académie des Inscriptions et belles-lettres
1908-début 1909, mer Morte, par le biais de la croisière autour de la mer Morte, mission archéologique, épigraphique, géographique et ethnographique
1907, 1909 et 1911, Arabie du Nord, au Hedjaz, exploration, moisson archéologique et épigraphique avec couverture photographique des sites nabatéens de Médaïn Saleh, al-‘Ela et Hereibeh par Jaussen et Savignac, en lien avec l’Académie des Inscriptions
1911, Transjordanie, les châteaux du désert, relevé architectural, épigraphique et iconographique, avec photographies, dans la foulée de la Mission en Arabie
1910 – 1913, vallée du Jourdain, plusieurs voyages des étudiants, permettant une moisson archéologique et épigraphique
1911, Jérusalem, Canal de Siloé et souterrains, couverture photographique et relevés systématiques pour le compte de la mission anglaise
1914, le littoral palestinien, les ports, géographie et prospection archéologique
1914, Palmyre, mission épigraphique et photographique pour l’Académie des Inscriptions
1915, Aden, relevés épigraphiques, par Jaussen
1916, îles de Rouad et de Castellorizo, explorées et photographiées par Savignac


Louis-Hugues Vincent a suivi tous les chantiers de fouilles du pays en cherchant sans cesse à en faire la synthèse chronologique ; il acquit ainsi une compétence archéologique reconnue par tous. Il passe pour un des fondateurs de l’archéologie palestinienne.

Avec Félix-Marie Abel, L.-H. Vincent produisit d’importantes monographies, études architecturales, archéologiques, épigraphiques et historiques, sur des monuments majeurs :

1911 à 1930, Jérusalem, la vieille ville et ses environs, en plusieurs volumes
1911, Bethléem, basilique de la Nativité
1920, Hébron, tombeau des Patriarches

Les voyages, explorations et prospections reprirent après la Grande Guerre, intégrant de jeunes religieux arrivés dans les années trente, comme Roland de Vaux ou Pierre Benoit, ou Tonneau, Barrois et Carrière.

1921 et 1937, Aïn Qedeis, prospection archéologique, relevé photographique
1922, Naby Samwil, l’église croisée
1935, Jebel Haroun, Pétra, prospection, photographies
1935, Tappouah, identification du site biblique
1938, Région du Salt, prospection archéologique et épigraphique
1950, Béthanie, examen épigraphique d’une grotte couverte de graffiti
1993-1998, Jordanie du Nord, exploration des sites du Bronze ancien, avec équipe espagnole


Des fouilles furent menées, de manière ponctuelle et sur une échelle modeste :

1919-1921, Aïn Douq, fouilles de la synagogue byzantine
1921, Naplouse, fouilles d’un hypogée romain
1921-1924, Beit Djebrin, fouilles d’une villa romaine, sur demande du Service des Antiquités du Mandat britannique
1924, Khirbet Heleileh, déblaiement d’une église byzantine
1924-1925, Amwâs, fouilles byzantines alentour de la basilique médiévale
1932 et 1934, Wadi Ramm, fouilles du temple nabatéen, sur demande du Service des Antiquités jordanien, puis de l’Académie des Inscriptions
1963, Khân Saliba, un ermitage byzantin

Les importants chantiers de fouilles archéologiques menés par R. de Vaux, J. Prignaud, J.-B. Humbert
1915, Éléonte, près Gallipoli, fouilles de sauvetage d’un établissement hellénistique
1926, Tell Neirab près d’Alep, (Syrie) fouilles de niveaux du Fer tardif. Projet proposé par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
1944, Abu Ghosh, caravansérail jouxtant de l’église croisée
1946-1960, Tell el-Farʽah, 9 campagnes dans Tirsa, capitale d’Israël avant Samraie
1951-1956, Khirbet Qumrân, exploration des grottes à partir de 1951, puis 4 campagnes de fouilles de l’établissement essénien, Service des Antiquité de Jordanie
1952, Wady Murabbaʽat, fouilles du refuge de Bar Korba, Service des Antiquité de Jordanie
1956 et 1961-1963, Jérusalem, au pied méridional de l’esplanade des mosquées, Service des Antiquité de Jordanie, expédition conjointe avec la British School of Archaeology
1958, Aïn Feshkha, fouilles d’un site en dépendance de Qumrân, Service des Antiquité de Jordanie
1959-1976, Saint-Sépulcre, restauration architecturale par Ch. Coüasnon, au nom de la Custodie de Terre Sainte
1971-1980, Tell Keisan (Galilée), huit campagnes, niveaux du Fer en Phénicie méridionale
1981-1991, Khirbet al-Samra (Jordanie), un établissement romain puis byzantin
1986, Mafraq (Jordanie), sondages dans un palais omeyyade
1988-1989 ; 1991 et 1994, Ammân, la Citadelle (Jordanie), vestiges d’un palais néo-assyrien, projet conjoint avec les Antiquités de Jordanie

Mission de coopération avec le Service palestinien des Antiquités à Gaza :
Blakhiyah, 1995-1997 ; 1999 ; 2003-2005 ; 2012, niveaux du Fer II jusqu’à l’époque romaine
Abassan el-Kabir, 1997, restauration d’un ermitage byzantin
Abu Barakeh, 1999 dépose d’un pavement de mosaïques
Mukheitim (Jabaliyah), 1998 -2020, fouilles d’un établissement ecclésiastique byzantin ; projet de restauration 2017 – 2021 en partenariat avec Première Urgence Internationale, et sous l’autorité scientifique de l’École biblique
Umm al-‘Amr (monastère saint Hilarion), 2002 – 2020, fouilles systématiques et/ou fouilles de sauvetage fouilles en coopération avec le Service palestinien ; projet de restauration 2017 – 2021 en partenariat avec Première Urgence Internationale, et sous l’autorité scientifique de l’École biblique

2008-2009, Jérusalem, Tombeau des Rois, tombeau monumental hérodien
2010-2011, Jérusalem, crypte de l’église St Jean-Baptiste, édifice religieux de l’antiquité tardive, sous l’égide de l’UNESCO
2011, Jérusalem, Mont des Oliviers, dépendances de la basilique de l’Éléona, sous l’égide du Consulat général de France à Jérusalem
2013, Domaine du couvent Saint-Étienne, sauvetage vestiges mamelouks



L’École biblique et archéologique aujourd’hui

L’École est située près de la vieille ville de Jérusalem, à la Porte de Damas, sur les lieux d’une basilique byzantine du Ve siècle, édifiée là où la tradition chrétienne vénère le martyre de saint Étienne, le premier martyr. D’où le nom de Couvent Saint-Étienne donné à la communauté des religieux dominicains qui anime l’École biblique. Depuis sa création, l’École mène de front, et de manière complémentaire, l’exégèse des textes bibliques et des recherches archéologiques en Israël et dans les territoires et pays adjacents. Elle a acquis une grande notoriété scientifique dans les disciplines de l’épigraphie, de la linguistique sémitique, de l’assyriologie, de l’égyptologie, mais aussi en histoire ancienne, en géographie et ethnographie.

L’École biblique de Jérusalem accueille des étudiants titulaires de la licence en études bibliques et désireux de préparer un doctorat en sciences bibliques. Elle reçoit aussi des étudiants de niveau master, désireux de se spécialiser en archéologie, en histoire et géographie du Proche-Orient. Outre l’enseignement, les étudiants ont la possibilité de visiter chaque semaine avec l’aide d’un professeur les principaux sites bibliques de Palestine et d’Israël. L’École biblique a signé des conventions avec diverses universités étrangères et collabore à Jérusalem avec le Studium biblicum franciscanum.

Elle publie la Revue Biblique et divers travaux spécialisés dans ses domaines d’excellence, ainsi que des ouvrages adressés à un public plus large, dont une traduction française de la Bible, connue sous le nom de Bible de Jérusalem (1956, 1973, 1998), qui allie qualité littéraire des traductions et rigueur critique.

Parmi ses membres les plus illustres décédés, outre le Père Lagrange, on peut citer les pères Abel et Vincent, véritables découvreurs des sites archéologiques de la Terre sainte, le père Roland de Vaux, qui dirigea les fouilles de Qumrân où furent découverts les manuscrits de la Mer morte en 1947, le père Pierre Benoit, dont les travaux d’exégèse restent une référence, le père Raymond Tournay, auteur d’une nouvelle édition et traduction des psaumes, le père Jerry Murphy O’Connor, auteur d’un célèbre Guide archéologique de la Terre sainte, Marie-Emile Boismard, auteur de travaux très novateurs sur le Nouveau testament. Parmi les professeurs émérites toujours présents, on citera Jean-Baptiste Humbert, archéologue en charge de plusieurs fouilles en Palestine et Jordanie, Étienne Nodet, éditeur des œuvres de Flavius Josèphe, Émile Puech, éditeur des Manuscrits de la Mer morte, Marcel Sigrist, assyriologue, etc.

Une nouvelle génération d’enseignants-chercheurs est en train de prendre la relève. Parmi ses activités, on signalera le programme de recherche très innovant, appelé La Bible en ses Traditions, dont le but est d’utiliser les ressources exceptionnelles de l’informatique pour mettre en ligne une version comparative du texte biblique avec ses différentes versions (massorétique, Septante, Vulgate, etc). et de développer une annotation qui mette en évidence la richesse de la réception du texte sacré dans la théologie et la liturgie chrétienne, mais aussi la patristique, l’histoire de l’art, etc. Pour découvrir cette Bible en ligne, cliquez ici.

 



Histoire de la collection

Histoire de la collection

La photothèque, c’est à dire le fonds photographique ancien des dominicains de Jérusalem est installée et appartient au couvent St Étienne, Protomartyr de Jérusalem, lequel abrite l’École biblique et archéologique française. Juridiquement, ce fonds appartient au couvent, donc à la communauté dominicaine, et ultimement, à l’Ordre des Prêcheurs.
La jeune École de 1890 avait inclus dans le programme annuel des études la découverte des pays de la Bible par le biais d’excursions régulières, où se mêlaient étudiants et professeurs. La visite systématique du « terrain » a commencé, bien sûr, par la ville de Jérusalem soigneusement examinée année après année puis de tout le pays biblique, en cercles concentriques. Les frontières étaient moins contraignantes qu’aujourd’hui et la « caravane biblique », comme elle était surnommée, explorait aussi bien la Transjordanie, le Hauran, les environs de Damas, Palmyre que, vers le sud, le Néguev, enfin le Sinaï. Le voyage se faisait à cheval ou à dos de chameau. Les excursions tenaient lieu de cours. Les professeurs dominicains y initiaient les étudiants à l’épigraphie, à l’archéologie comme à la géographie historique, si ce n’est la géologie. La caravane jubilait lorsqu’elle tombait par hasard sur un milliaire romain inédit, une stèle qu’un fallaḥ venait montrer, un tombeau au flanc d’une falaise, un fragment de mosaïque : c’était l’occasion de faire, dans l’enthousiasme, des estampages, de dessiner, mesurer, calquer, décrire succinctement – et bien sûr, photographier.

Dans ce contexte, la pratique photographique de l’École biblique se développa. Si elle est restée celle d’autodidactes en ce qui concerne la technique photographique, en revanche, pour les thématiques abordées, elle fut celle de professeurs chevronnés, bien au fait de leurs disciplines respectives, d’où les aspects particuliers de la photographie de l’École biblique : clichés pris par ou pour des « savants » — et non, comme cela se faisait tant à l’époque, pour l’illustration plus ou moins naïve ou romantique des lieux ou des épisodes de l’Histoire sainte.

Les photographies sont là pour attester de la découverte de tel ou tel objet, de la teneur des sujets d’étude en cours, de la véracité d’un déchiffrement épigraphique, etc. Dans une perspective un peu positiviste, la photo est alors perçue comme une preuve objective complétant le relevé, le dessin. Elle est estimée aussi précieuse que l’estampage, autre preuve indubitable. La dimension artistique apparaît, certes, presque involontaire : la qualité du regard du religieux photographe, sa culture générale (y compris iconographique), sa sensibilité, y sont pour beaucoup.

Paradoxalement, la collection rassemble essentiellement des milliers de plaques de verre (12.500 pour les négatifs, sans compter les 4.000 verres positifs pour projection, — et 33 autochromes), et non des tirages sépia sur papier à l’albumine, comme on s’y attendait[1]. Il est étonnant que nous n’ayons que quelques dizaines de tirages d’époque (dits vintage). Ils sont alors le contact sépia d’un négatif sur verre quand le verre a disparu, et le seul tirage papier devient témoin du cliché. Le peu de tirages papier illustre une particularité de la collection dominicaine : elle n’était pas considérée à l’époque comme une collection, offerte à un public. Elle fut un outil scientifique à usage interne. Entre confrères, d’une simple conversation, on était en mesure de retrouver telle ou telle série de verres négatifs, rangés dans la chambre des opérateurs photographiques. À l’origine, le bâtiment n’abritait pas de photothèque comme telle : les plaques restaient dans les cellules des religieux selon les sujets qu’ils avaient traités. Après leur mort, un archivage centralisé fut décidé. Chaque religieux photographe avait bonne mémoire de ses archives photographiques, sans l’aide d’un album de tirages albuminés. Des contacts systématiques auraient été sans doute trop coûteux. Enfin, le but ultime des photos était qu’elles soient publiées. La clef d’interprétation de la collection se trouve dans les publications, effectives ou envisagées. Les photographies témoignent des recherches des dominicains, illustrant des monographies ou des articles du périodique scientifique de la maison, la Revue biblique fondée dès 1892 – deux ans seulement après le lancement si modeste et audacieux de l’École elle-même. Les articles agrémentés de photographies, de reproductions d’estampages et, bien sûr, de relevés, dessins, croquis, réalisés par les auteurs ou délégués par ceux-ci au plus doué pour le crayon et la plume, Hugues Vincent. Une belle répartition des tâches s’était vite mise en place selon les capacités et les goûts des religieux. L’École biblique était animée d’un joyeux esprit d’équipe, sur le terrain comme à la maison. Vincent faisait les relevés, les croquis, les dessins, les coupes stratigraphiques, mais aussi les estampages. Tous savent estamper. Séjourné, puis Carrière, Jaussen et Savignac surtout, ont photographié, en parallèle avec Savignac vieillissant[2], Tonneau puis, à partir de 1935-36, Pierre Benoit, et R. de Vaux.

La thématique des monographies, effectives ou envisagées, se retrouve dans la composition de la photothèque ancienne : les magnifiques livres grand format auxquels nous faisons allusions ont été le fruit mûri des recherches, auteurs groupés en deux binômes, d’un côté, H. Vincent et F.M. Abel et de l’autre côté, A. Jaussen et R. Savignac. Nous mentionnerons lesdits ouvrages infra en suivant la chronologie du développement de leur activité de photographes. Nous devons ainsi le gros de la production photographique de l’École aux deux binômes, soit directement dans le cas de Jaussen et Savignac, photographes, soit indirectement quand Vincent et Abel, non photographes, commandaient des clichés spécifiques pour les ouvrages en préparation. Des thèmes ont été privilégiés : une histoire de l’évolution de la muraille de Jérusalem, les monuments du Ḥarâm es-Sharif, l’esplanade des Mosquées enfin, les chapiteaux ouvragés comme marqueurs chronologiques. Même si tous les livres envisagés n’ont pu aboutir, heureusement le témoin photographique en fut soigneusement gardé. La comparaison avec la photothèque des pères assomptionnistes de Notre-Dame de France à Jérusalem, de la même époque, contraste avec l’étonnante particularité de l’École biblique — la quasi absence de tirages papier. À l’École biblique, les photos sont trop austères, « scientifiques » pour attirer le grand public, les pèlerins. La collection de l’École est donc restée confidentielle. Seuls les universitaires pouvaient en avoir un aperçu par le truchement des publications.

Depuis, notre fonds ancien s’accroît.
Nous avons d’abord eu, en 1994, la cession de 1.603 plaques de verre de tous formats (dont d’impressionnantes 24 x 30 cm), provenant des pères assomptionnistes de Notre-Dame de France (= NDF), prises entre 1888 et ca 1930 en Terre sainte comme dans les pays limitrophes. Par son ancienneté et son esprit, la collection NDF est la plus proche de la nôtre. Quelques années plus tard, les assomptionnistes contemporains, de St Pierre-en-Galicante, nous ont autorisés à numériser 302 tirages papiers des gros albums de NDF qui n’avaient plus leur verre d’origine – albums que St Pierre-en-Galicante a heureusement conservés après la vente de Notre-Dame. Nous avons obtenu de numériser l’album de petits tirages papiers de la Schmidt School, l’ancien Paulus Hospiz allemand (139 photos, inédites, datables entre 1907 et 1911). Est venu le don espagnol de 708 originaux, inédits (papier, et quelques négatifs) du dominicain M. Ferrero Gutierrez, réalisés lorsqu’il était étudiant à l’École biblique entre juillet 1929 et juin 1931. Ferrero a participé aux voyages d’études de l’École biblique, d’où la présence de photos de Chypre, d’Égypte, de Syrie, de Transjordanie – en plus de la Palestine proprement dite. Ses clichés, faits dans l’esprit de l’École, complètent bien notre collection à une époque où les pionniers, Jaussen et Savignac, prenaient de l’âge.
Nous avons demandé en 2008, à nos confrères les Pères Blancs de Sainte-Anne (vieille ville de Jérusalem) de pouvoir numériser leurs 701 plaques de verre. La plupart sont inédites, et datent, pour les plus anciennes, d’avant la fondation de notre propre École biblique (de 1875 environ à 1939) ; aux verres, nous avons ajouté environ 872 photos sur papier, anciennes, des mêmes Pères Blancs pour numérisation. Nous avons intégré 366 tirages de l’album des pères salésiens italiens de Beit Jimal (de 1930 à 1940). Les jésuites de l’Institut Biblique Pontifical de Jérusalem nous ont permis de numériser 1.740 photos, négatifs, verre et acétate, parfois tirages papier, pour la plupart des années 1930[3].
Nous avons traité les archives de verre de l’Albright Institut, qui documentent les fouilles américaines des années 1930. De notre famille, nous avons reçu des tirages papier grand format de Syrie et Jérusalem, 1922-25. Des diapositives couleurs ont été cédées par d’anciens élèves des années 1960-70, enfin par certaines familles de pèlerins de ces années-là. Avec le recul du temps, toute photo antérieure aux guerres locales, récentes devient un précieux document… Des Bonfils nous ont été offertes[4] définitivement ou prêtées pour numérisation : la série numérisée atteint 285 Bonfils.

Les premiers clichés sont du fondateur, le P. Lagrange, photographe amateur et qui n’a pas poursuivi dans cette voie. Il avait photographié lors de son premier voyage vers Jérusalem, à l’étape de l’Égypte où il avait accosté — c’était au printemps 1890. De son court voyage « outre-Jourdain », restent les premiers clichés de la collection sur la Jordanie, et qui sont de la même année. Une pose d’une dizaine d’années, pauvres en clichés, correspond à la période de formation des très jeunes religieux arrivés en 1890-1892, les premiers élèves de Lagrange, non encore initiés à la photographie. Les quelques photos des années 1896-8 sont les plus anciennes, et ont été faites par Séjourné. Ainsi du célèbre cliché de Pétra, en octobre 1896, on l’on voit une longue échelle de fortune, appuyée à la façade du tombeau nabatéen de la Tourkmaniyeh ; H. Vincent y grimpe pour procéder au premier estampage jamais fait de la grande inscription funéraire gravée en fronton. L’équipe des fondateurs est là, autour de Lagrange : les jeunes Jaussen, Savignac, Vincent, Abel…[5]

À partir de 1900, avec un pic entre 1905 et 1907, les jeunes se mettent résolument à la photo, surtout les deux religieux qui, presque toute leur vie, auront été les principaux photographes de l’École, les Raphaël Savignac (1874-1952) et Antonin Jaussen (1871-1962). Les premières photos de Jaussen sont peut-être celles des estampages qu’il prit à Damas en 1897 au cours du voyage d’études de l’École[6]. Les excursions furent parfois commanditées par l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres (comme celle de Pétra en 1896), d’où un partage de l’archivage : toutes les plaques de verre sont restées à Jérusalem mais une partie, si ce n’est le tout des estampages, ont été cédés à l’Institut de France. Ce fut le cas pour l’expédition dans le Négueb en 1904, quand l’Académie avait demandé l’étude des inscriptions nabatéennes de ‘Abdeh / ‘Abodah. L’équipe Jaussen, Savignac et Vincent en produisit trois articles pour la Revue biblique[7] . Notons la rapidité de la publication. Encore en 1904, Jaussen passe au Djébel Druze et commence ainsi sa carrière d’ethnographe. L’ethnographie a été l’essentiel de la recherche d’A. Jaussen et l’occasion de séries de clichés originaux, en plus de ceux liés à son rôle de chercheur et professeur en épigraphie sémitique. Son ethnographie, en plus des articles, a fourni deux volumes qui demeurent pionniers – et l’occasion de photographies aujourd’hui sans cesse demandées. Le premier est Coutumes des Arabes au pays de Moab (Paris, 1908), ouvrage sur la vie des bédouins de Transjordanie avec le célèbre appendice sur l’histoire de la tribu chrétienne des ‘Azeizât qui, à l’époque, migra de Kérak à Mâdabâ. Jaussen avait interrogé les acteurs sur le vif. Le second ouvrage ethnographique est Coutumes palestiniennes, Naplouse et son district (Paris, 1927). Les enquêtes urbaines y font pendant aux coutumes des nomades, dans un contexte fort différent. Profitant de nombreux séjours à Naplouse occasionnés par son service auprès des religieuses françaises qui y bâtissaient un hôpital, Jaussen étudia le tissu social d’une ville à forte prédominance musulmane. Il s’intéressa non seulement aux mœurs sociales mais aussi à l’économie de la ville. Les vues (stéréoscopiques) du souq de Naplouse sont précieuses puisqu’elles ont été prises avant le tremblement de terre de 1927.

Dans le sillage des expéditions épigraphiques et archéologiques de l’École biblique qui furent l’occasion de nombreux clichés photographiques, rappelons celles du Sinaï en mars 1906, puis du Négueb, enfin de Pétra[8] atteinte par le sud de la mer Morte. Savignac dirigeait la caravane jusqu’au Négueb, où il retrouve Jaussen venu de son côté pour négocier le passage avec les tribus turbulentes. Tout le long du voyage, Jaussen prends des notes ethnographiques et photographie, comme Savignac, bien sûr. Ensuite vint pour ce binôme la grande affaire du Hedjaz : les trois voyages, 1907, 1909 et 1910, de la Mission en Arabie. Tel est le titre donné à la publication en cinq volumes (plus celui des Planches)[9]. L’objectif, sollicité par l’Académie des Inscriptions, était l’exploration des sites nabatéens de Médaïn Saleh et al-‘Ula. La publication demeure une mine photographique ; elle dépasse d’ailleurs le cadre de la célèbre épopée au Hedjaz pour inclure deux volumes sur les Châteaux du désert jordanien, avec notamment des clichés rarissimes des fresques omeyyades de Quṣeir ‘Amra, dans leur état avant les restaurations parfois hasardeuses qui ont suivi. L’importance des photos prises en Arabie, si on y ajoute celles de Savignac pendant la guerre de 1914-18, nous a valu de monter à deux reprises une exposition en Arabie Séoudite, Hedjaz, 1907-1917 (Riyadh, en avril 2000 et Djeddah, en octobre), en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe[10].

La croisière sur la mer Morte fut aussi un grand moment photographique : le projet original fut une idée de Jaussen[11] qui mena vingt personnes de Jérusalem, étudiants et professeurs, sur le premier navire à moteur de la mer Morte. Le voyage correspondait aux vacances de Noël du 28 décembre 1908 au 7 janvier 1909. Savignac pris de nombreux clichés, ainsi que les autres voyageurs. Nous avons récemment hérité de 296 verres stéréoscopiques d’un étudiant belge qui avait participé à la croisière[12]. En 1912, le binôme Vincent-Abel achevait la monographie sur la basilique de Bethléem, illustrée des photos de Savignac et Carrière[13]. Juste avant la Grande Guerre, Jaussen et Savignac ont conduit deux explorations à Palmyre, avec une abondante moisson de photographies, dont certaines ont été les premières jamais réalisées.

La guerre de 14-18 fut l’occasion imprévue d’une série de photographies originales par Savignac. Officier de Renseignement de la Marine française comme traducteur d’arabe, il fit équipe avec Jaussen, son supérieur dans le même bureau. Basés à Port-Saïd, ils fréquentèrent leur homologue traducteur, le jeune britannique T.E. Lawrence (d’Arabie). Profitant des déplacements à bord des navires de guerre, Savignac pris de magnifiques clichés sur l’île de Rouad (Syrie), sur l’île de Castellorizo, et aussi de la côte du Hedjaz, al-Wedj, Yanbu’ et Djeddah, du Canal de Suez, de Port-Saïd…

Grâce à une relative ouverture des sanctuaires musulmans de Palestine au début du Mandat britannique, les dominicains purent photographier le Ḥarâm d’Hébron, en vue de la grande monographie[14] que Vincent et Abel publièrent dès 1923. Il est probable que le même contexte favorable d’accès aux lieux saints musulmans a permis à Jaussen de faire la série de stéréoscopiques de l’intérieur du Dôme du Rocher avec ses mosaïques. Un peu plus tard, le même éditeur publia le volume Émmaüs, une autre monographie de Vincent et Abel, aux nombreuses photographies illustrant le dégagement des ruines[15].

Les pères dominicains ne signaient guère leurs photos et ne les dataient pas plus puisqu’elles n’étaient destinées qu’aux publications en cours. D’où le casse-tête de l’archiviste aujourd’hui. La réponse se trouve dans les publications, et cas par cas : la date d’impression de l’ouvrage donne au cliché, au moins un terminus ante quem. Il arrive parfois que l’ouvrage mentionne les circonstances de la prise de vue, date et lieu, particulièrement lors des expéditions lointaines aux conditions extraordinaires[16]. En revanche, les ouvrages de synthèse ont regroupé des documents de différentes périodes, sans qu’il soit possible de les dater chacune[17].

[1] La collection n’a pas, par conséquent, de valeur financière : les plaques de verre  ne sont pas recherchées ; seuls les tirages d’époque sont disponibles en salle des ventes.
[2] Antonin Jaussen cessa la photographie après qu’il eut été chargé à partir de 1930 de la nouvelle fondation, la Maison du Caire, filiale de l’École biblique en Égypte. Ses derniers clichés illustrent la construction du bâtiment cairote.
[3] Dans ce lot, cent verres de janvier 1914 : fouilles à Éléphantine, Haute-Égypte ; et les négatifs de la fouille à Teleilat Ghassoul (mer Morte, rive jordanienne).
[4] Ainsi 44 beaux exemplaires offerts par Mlle Marie-Armelle Beaulieu, de Jérusalem.
[5] Récit pittoresque dans Revue biblique 6, 1897, pp. 228-30. Le long estampage, 34 feuilles de papier, fut offert à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres.
[6] Cf. Revue biblique 6 (1897), pp. 592-597 : son premier article scientifique, à 26 ans.
[7] RB 13, 1904, pp. 403-24 ; RB 14, 1905, pp. 74-89 et pp. 235-57. L’Académie publie le rapport par le P. Séjourné, CRAIBL, 1904, pp. 279-305.
[8] Cf. Revue biblique 15, 1906, pp. 443-64. Le début du voyage, par Aïn Qedeis, reprenait l’itinéraire de l’expédition dirigée par le P. Lagrange en 1896.
[9] Mission archéologique en Arabie. I – De Jérusalem au Hedjaz. Medain-Saleh, Paris, E. Leroux, 1909. Suivi de Mission archéologique en Arabie. II – El ‘Ela, d’Hégra à Teima. Harrah de Tebouk, Paris, P. Geuthner, 1914. Et Mission archéologique en Arabie. Supplément au volume II. Coutumes des Fuqarâ, Paris, P. Geuthner, 1914 (paru en 1920). Enfin, Mission archéologique en Arabie. III. Les châteaux arabes de Qeṣeir ‘Amra, Ḫarâneh et Ṭuba. Texte et 21 fig. ; Atlas et LVII planches, Paris, P. Geuthner, 1922.
[10] En décembre 2003, nous montrons une seconde exposition en Arabie, à Riyadh : Al-Quds al-Sharif, venue aussi de l’IMA-Paris.
[11] Une exposition en fut tirée, exposée à Jérusalem et à Ammân, 1997, avec catalogue imprimé, Périple de la mer Morte 1908-1909 (Ramallah-Jérusalem, 1997).
[12] Devenu ensuite professeur de faculté à Liège, Monsieur Jules Prickarts. Son petit-fils, Charles Prickarts, nous a offert les verres originaux de 1908-1909.
[13] Bethléem. Le Sanctuaire de la Nativité, par L.-H. Vincent et F.-M. Abel, Lecoffre, Paris, 1914 (22 planches).
[14] Hébron. Le Haram el-Khalîl, sépulture des Patriarches, par L.-H. Vincent, E. Mackay et F.-M. Abel, Leroux, Paris, 1923 (28 planches).
[15] Emmaüs. Sa basilique et son histoire, par L.-H. Vincent et F.-M. Abel, Leroux, Paris, 1932 (27 planches).
[16] Les récits de certaines expéditions – typiquement, Mission en Arabie et Croisière sur la mer Morte, mais aussi les articles dans la Revue biblique.
[17] Ex. les grandes synthèses, illustrées de photos, de Jérusalem de Vincent et Abel que sont Jérusalem sous terre (1911), Jérusalem antique (1912), Jérusalem nouvelle (1914, 1926), Jérusalem de l’Ancien Testament (1954, 1956), dont l’élaboration s’étale sur bien des années.


L’École biblique, une histoire centenaire

L’École est le plus ancien centre de recherche biblique et archéologique de Terre sainte. Elle fut fondée en 1890 par le Père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938), au sein du couvent dominicain de Saint-Étienne à Jérusalem, couvent créé en 1882.

S’inspirant du nom de la récente École pratique des hautes-études (Paris, 1868), le Père Lagrange l’appela École pratique d’études bibliques, afin d’en souligner la spécificité méthodologique.

La Bible y serait étudiée dans le contexte physique et culturel où elle a été écrite (l’union du monument et du document, disait le P. Lagrange: l’archéologie et l’exégèse des textes).

On modifia son nom le 20 octobre 1920, lorsque l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Paris) reconnut l’École biblique comme l’École archéologique française de Jérusalem, en raison de la qualité de ses réalisations dans ce domaine. Elle est la seule école archéologique nationale à Jérusalem qui propose un programme de cours, et décerne un doctorat en sciences bibliques.

La première génération: 1890-1940

Durant les dix premières années de l’École, Lagrange a choisi et formé des collaborateurs, et il réussit à constituer un corps professoral envié par tous.

Marie-Antonin Jaussen (1871-1962) devint un pionnier en ethnographie arabe.

Louis-Hugues Vincent (1872-1960) se révéla comme le meilleur spécialiste de sa génération pour l’archéologie de la Palestine. Antoine-Raphaël Savignac (1874-1951) s’imposa en épigraphie sémitique.

Félix-Marie Abel (1878-1953) se consacra à l’histoire et à la géographie de la Palestine, domaines où il manifesta une telle érudition et un jugement si sûr qu’ils lui valurent une grande réputation dans le monde savant.

Édouard-Paul Dhorme (1881-1966) devint un célèbre assyriologue, et fut le premier à déchiffrer l’ougaritique. Lagrange lui-même a beaucoup écrit, tant sur le Nouveau Testament que sur des sujets annexes.

Pendant les cinquante années de leur intense collaboration interdisciplinaire (1890-1940), les membres de cette petite équipe publièrent 42 ouvrages importants, 682 articles scientifiques, et plus de 6200 recensions. Articles et recensions parurent dans la Revue biblique, fondée en 1892, tandis que les livres s’insérèrent dans la collection des Études bibliques, lancée en 1900.

La deuxième génération : 1940-1990

À partir des années 1930, la première équipe commença à former une nouvelle génération de chercheurs.

Bernard Couroyer (1900-1992) publia énormément dans le domaine de l’égyptologie, tout en enseignant le copte et l’arabe. Roland de Vaux (1903-1971) se rendit célèbre tant par ses compétences bibliques que par ses travaux archéologiques.

Raymond-Jacques Tournay (1912-1999) est bien connu pour avoir produit la meilleure traduction des Psaumes en langue moderne.

Pierre Benoit (1906-1987) et Marie-Émile Boismard (1916-2004) ont apporté une contribution extrêmement importante à la recherche néotestamentaire.

C’est aux chercheurs de la deuxième génération que l’on doit la fameuse Bible de Jérusalem (1956), dont la publication constitue en quelque sorte l’achèvement de l’idéal du P. Lagrange. La qualité des introductions, des traductions et des notes reflète le meilleur de la recherche exégétique contemporaine, et la mise en pages réjouit l’œil tout en facilitant l’intelligence du texte – l’usage de strophes signalant par exemple les passages poétiques. Cette disposition rompait radicalement avec la présentation traditionnelle, et devint le modèle pour toutes les bibles modernes ultérieures. La Bible de Jérusalem fut traduite dans les grandes langues modernes.



Grandes figures archéologiques de l’École

Les grandes figures archéologiques de l’École biblique

 

Père Paul-Marie Séjourné

1857-1922, professeur de grec et historien, guide des premières caravanes de l’École, arrivé en 1886

Cofondateur et prieur du Couvent Saint-Étienne à Jérusalem
Explorations en Transjordanie
Chroniques archéologiques dans la Revue biblique : la Dormition (1899), la Mosaïque de Hosn (1900), les inscriptions grecques du Hauran (1898), le Sinaï (1897), etc.


Père Marie-Joseph Lagrange

1855-1938, exégète et historien des religions, arrivé en 1890

Ouvre l’École pratique d’études bibliques en 1890 à Jérusalem
Réunit une équipe de savants pour approfondir la connaissance scientifique du milieu humain de la Bible (lieux de rédaction, langages parlés, cultures, etc.)
Participe aux premières grandes explorations de l’École à Palmyre, Pétra, etc.
Membre correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1903
Deux ouvrages lui sont consacrés : Bernard Montagnes, Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique, Cerf, 2004, 625 p. ; Louis-Hugues Vincent, Le Père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem : sa vie et son œuvre, Paris, Parole et silence, 2013, 670 p.

Ouvrages majeurs :
La méthode historique, surtout à propos de l’Ancien Testament, Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1903, 221 p.
Plusieurs ouvrages d’orientalisme, dont Études sur les religions sémitiques, Paris, Lecoffre, 1905, 527 p.
De nombreux ouvrages d’exégèse, en particulier ses quatre commentaires des Evangiles synoptiques et L’Évangile de Jésus Christ, Paris, Lecoffre-Gabalda, 1928, 656 p.

Père Antonin Jaussen

1871-1962, ethnographe, philologue de la langue arabe, arrivé en 1890

Premier étudiant et premier professeur à l’École
Régent d’études après le père Lagrange
Spécialiste des tribus nomades de Transjordanie, dont il maîtrise les dialectes

Ouvrages majeurs :
Coutumes des Arabes au pays de Moab, Paris, Gabalda, 1908, 448 p.
Mission archéologique en Arabie, Paris, 1909-1914, 5 vol. en collaboration avec Raphaël Savignac
Coutumes Palestiniennes, Naplouse et son district, Paris, Geuthner, 1927, 364 p.

Père Louis-Hugues Vincent

1872-1960, archéologue, historien et géographe, arrivé en 1891

Disciple du père Lagrange
Chargé du cours d’archéologie biblique
Pionnier de l’archéologie de Jérusalem
Expert sur les fouilles de la Palestine
Membre correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et de la British Academy

Ouvrages majeurs :
Canaan d’après l’exploration récente, Paris, J. Gabalda, 1907, 495 p.
Jérusalem, recherches de topographie, d’archéologie et d’histoire, Jérusalem nouvelle, Paris, J. Gabalda, 4 vol., 1914, 419 p. ; 1922, p. 421-1035 p. ; Jérusalem de l’Ancien Testament, 1954, 371 p.

Père Raphaël Savignac

1874-1951, épigraphiste, langues sémitiques, photographe, arrivé en 1893

Développe l’usage de la photographie au service de l’archéologie
Explorations en Syrie, épigraphie de Palmyre
Participe aux expéditions en Arabie du Nord avant 1914

Ouvrages majeurs :
Mission archéologique en Arabie, Paris, 1909-1914, 5 vol., avec Antonin Jaussen

Père Jean-Vincent Scheil

1858-1940, archéologue, assyriologue, collaborateur de la Revue Biblique

Conservateur de musées au Caire et à Istanbul
Déchiffre et prépare la publication du Code d’Hammurabi
Membre de la délégation française en Iran (1898-1939)
Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 1908
Directeur d’études en Assyriologie à l’EPHE

Ouvrages majeurs :
Seize volumes des Mémoires de la délégation française en Perse, 1902-1939

 Père Félix-Marie Abel 

1878-1953, archéologue, historien et géographe, arrivé en 1897

Organise de nombreuses expéditions de l’École
Histoire du site d’Emmaüs (fouilles de 1932)
Expert de l’archéologie de Jérusalem et historien de la Palestine, avec L.-H. Vincent

Ouvrages majeurs :
Une croisière autour de la mer Morte, Paris, J. Gabalda, 1911, 188 p.
Grammaire du Grec biblique, Paris, J. Gabalda, 1927, 415 p.
Géographie de la Palestine, Paris, J. Gabalda, 2 vol., 1933 (515 p.) et 1938 (538 p.)
Histoire de la Palestine, Paris, J. Gabalda, 2 vol., 1952, 515 p. et 406 p.

Père Édouard Paul Dhorme

1881-1966, assyriologue, langue et culture akkadienne, arrivé en 1899

Déchiffrement de la langue ugaritique
Fouilles d’Éléonte (Dardanelles), 1915
Directeur de l’École biblique de 1922 à 1931
Professeur à l’École Pratique des Hautes Études, Paris
Membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1948
Professeur au Collège de France

Ouvrages majeurs :
La religion assyro-babylonienne : Conférences données à l’Institut Catholique de Paris, Paris, J. Gabalda, 1910, 319 p.
Le livre de Job, Paris, J. Gabalda, 1926, 611 p.
La poésie biblique, Paris, Éditions Bernard Grasset, 1931, 212 p.
La littérature babylonienne et assyrienne, Paris, Presses Universitaires de France, 1937, 127 p.
Les anciennes religions orientales. Les religions de Babylonie et d’Assyrie : les religions des Hittites et des Hourrites, des Phéniciens et des Syriens, Paris, PUF, 1945, 433 p.
Mission archéologique de Mari, Paris, Librairie Paul Geuthner, 1956, 358 p.

Père Georges-Augustin Barrois

Archéologue et bibliste, arrivé en 1925

Fouilles de Tell Neirab (Syrie), 1926-27 avec F.-M. Abel et B. Carrière
Fouilles de Arslan Tash (Syrie), 1928-29 avec Thureau-Dangin
Fouilles à Serabit el-Khadem (Sinaï), 1930, fouilles américaines

Ouvrages majeurs :
Fouilles de l’École biblique à Neirab, Syria, T. 8 et 9, 1927-28
Arslan Tash, BAH, Geuthner 1931
Manuel d’archéologie biblique, T. I, 1939 et T.2, 1953, Picard, Paris

Père Pierre Benoit

1906-1987, exégète et théologien, arrivé en 1933

Chargé par le P. Lagrange de l’enseignement du Nouveau Testament
Directeur de 1953 à 1968 de la Revue Biblique
Topographie historique de Jérusalem, avec visites détaillées des fouilles
Directeur de la publication des Manuscrits de Qumrân, 1971
Directeur de l’École biblique de 1966 à 1971
Participe à la rédaction de la Bible de Jérusalem

Ouvrages majeurs :
Exégèse et théologie, Paris, Éd. du Cerf, 4 vol. (1961-1982), 253 p., 451 p., 446 p., 387 p.
Un siècle d’archéologie à l’École biblique de Jérusalem 1890-1990, Jérusalem, École biblique et archéologique française de Jérusalem, 1988, 52 p.
Synopse des quatre évangiles en français, Paris, Éd. du Cerf, 1990, 385 p.

Père Roland de Vaux 

1903-1971, exégète, historien, archéologue, arrivé en 1933

Cours d’histoire biblique et d’archéologie
Directeur de la Revue biblique en 1938
Directeur de l’École biblique de 1945 à 1965
Fouilles à Ma’in, Abu Ghosh, el-Ma’moudiyeh, et surtout à Tell el-Fâr’ah (9 campagnes)
Chargé par le Département des antiquités de Jordanie des fouilles à Qumrân  en 1949
Directeur de la publication des manuscrits de la Mer Morte
Fouilles sur la colline de l’Ophel, coopération avec Kathleen Kenyon
Président du conseil d’administration du Musée Rockfeller en 1966
Participe à la conception et à la rédaction de la Bible de Jérusalem
Membre libre non résidant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Ouvrages majeurs :
Archaeology and the Dead Sea Scrolls, Londres, Oxford University Press, 1973, 142 p.
Histoire ancienne d’Israël, Tome 1, Des origines à l’installation en Canaan, Gabalda, 1971, 674 p. ; Tome 2, La période des Juges, 1973, 240 p.
Les institutions de l’Ancien Testament. I: Le nomadisme et ses survivances, institutions familiales, institutions civiles, Cerf, 1961, 355 p. ; II: Institutions militaires, institutions religieuses, 1967, 553 p.

Père Marie-Joseph Stève

1911-2001, archéologue, épigraphie élamite, arrivé en 1944

Participe aux fouilles de Tell el-Fâr’ah et d’Abu Ghosh durant ses années à l’École biblique (1944-1950)
Directeur de la Mission française en Iran (fouilles de Suse dans les années 1960)

Ouvrages majeurs :
Fouilles à Qaryet el-‘Enab, Abu Ghôsh, Palestine, Paris, J. Gabalda, 1950, 162 p.
Fragmenta Historiae Elamicae : Mélanges offerts à M. J. Steve, Paris, Recherche sur les Civilisations, 1986, 290 p.
Syllabaire élamite : histoire et paléographie, Neuchâtel, Recherches et Publications, 1992, 172 p.
Il était une fois la Mésopotamie, Paris, Gallimard, 1993, 160 p.

Père Charles Coüasnon

1904-1976, architecte des Monuments historiques, arrivé en 1950

Participe aux fouilles de Tell el-Fâr’ah et de Qumrân
Chargé par la Custodie de Terre Sainte de diriger les travaux de la restauration du Saint-Sépulcre dans les années 1967
Restauration de l’église Sainte-Anne à Jérusalem bombardée en 1967 et du monastère d’Abu Ghosh, 1970

Ouvrages majeurs :
“Analyse des éléments du IVe siècle conservés dans la Basilique du S. Sépulcre à Jérusalem”, Akten des VII. Internationalen Kongresses für Christliche Archäologie, 1965
The church of the Holy Sepulchre in Jerusalem, Londres, Oxford Press, 1974, 64 p.

Père Jean-Baptiste Humbert

Né en 1940, archéologue, actuel directeur du laboratoire d’archéologie de l’École biblique, arrivé en 1973

Chargé du cours d’archéologie, 1977- 2010
Fouilles de Tell Keisan, de Khirbet es-Samra, Mafraq, Citadelle d’Amman, directeur de la Mission archéologique franco-palestinienne de Gaza, 1994.
Correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Ouvrages majeurs :
Tell Keisan (1971-1976), Une cité phénicienne en Galilée, Fribourg, Suisse, 1980, 400 p. et 143 pl. (avec J. Briend)
Fouilles de Khirbet es-Samra, Vol. I, La voie romaine, le cimetière et les documents épigraphiques,
avec A. Desreumaux, Brepols, 1998, 695 pages.
Fouilles de Khirbet Qumrân et de Aïn Feshkha, Vol. I, Album de photographies, , Fribourg (Suisse), 1994, 411 p. (avec A. Chambon). Vol. II, Études d’archéométrie et d’anthropologie, Fribourg (Suisse), 2003, 483 p. (avec Jan Gunnenweg). Vol. III, L’archéologie de Qumrân et Aïn Feshkha, fouilles du P. Roland de Vaux, Göttingen 2016, 536 p. (avec A. Chambon et J. Mlynarczyk)
Khirbet Qumrân et Aïn Feshkha. IV A, Qumran cave 11Q : archaeology and new scroll fragments / edited by Jean-Baptiste Humbert o.p., Marcello Fidanzio. — Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 2019, 288 p.